Trudeau a dit vrai. Il lui reste à tenir parole!

Le premier ministre du Canda, Justin Trudeau
Photo: Paul Chiasson La Presse canadienne Le premier ministre du Canda, Justin Trudeau

Les baisses d’impôt promises par les libéraux de Justin Trudeau profiteraient à une classe moyenne relativement aisée de Québécois, constate une étude. Mais les autres changements en matière de prestations familiales qui doivent aussi les accompagner viendraient en partie corriger la situation au profit des ménages avec enfants au revenu plus modeste.

S’appliquant à la tranche de revenus individuels située entre 44 700 $ et 89 400 $ par année, les baisses d’impôt de 1,5 point de pourcentage promises par les libéraux durant les élections fédérales profiteraient principalement aux ménages gagnant au total entre 100 000 $ et 216 000 $ par an, rapporte une nouvelle étude de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.

Or, selon Statistique Canada, le revenu médian des ménages québécois en 2013 ne dépassait pas 72 240 $, à raison d’un revenu de marché moyen de 83 200 $ pour les couples sans enfant, 95 600 $ pour les couples avec enfants, 53 200 $ pour les familles monoparentales et 39 000 $ pour les personnes seules.

Les familles dépassant 216 000 $ de revenus seraient rapidement rattrapées ensuite par l’autre promesse des libéraux de Justin Trudeau d’ajouter, cette fois, 4 points de pourcentage au palier d’imposition le plus élevé à partir d’un revenu individuel de 200 000 $ par an. « Il est certain que si l’on s’arrête à cette partie des promesses libérales, on serait porté à conclure qu’elles excluent une bonne partie de ce que les gens entendent généralement par classe moyenne au Québec, sans parler de tous les autres dont les revenus sont encore plus modestes », a noté mardi en entretien téléphonique au Devoir le professeur de fiscalité Luc Godbout, coauteur, avec Suzie St-Cerny et Antoine Genest-Grégoire, de l’étude de 48 pages.

Mais voilà, les promesses libérales ne s’arrêtaient pas là. Elles annonçaient aussi des changements à plusieurs programmes destinés aux familles, dont l’annulation du fractionnement du revenu, l’élimination de la Prestation universelle pour la garde d’enfants (PUGE) et le remplacement de diverses prestations par une nouvelle Allocation canadienne aux enfants (ACE).

Une fois ces autres réformes prises en compte, la situation se corrige nettement au profit des familles aux revenus plus modestes, du moins pour celles qui ont des enfants de moins de 18 ans.

L’autre façon de redistribuer

Ainsi, les couples avec deux enfants et un revenu annuel total de 50 000 $ y gagneraient au net environ 4500 $ par an (ou 9 % du revenu disponible), comparativement à entre 1600 $ et 2800 $ (2,1 % à 3,6 % du revenu) pour les ménages ayant un revenu deux fois plus élevé, et à un recul de 600 $ à 4700 $ (-0,4 % à -3,1 %), pour les familles gagnant 250 000 $ par an. Le même type de résultats s’observerait pour les familles monoparentales.

De tels changements permettraient de réduire un peu les inégalités de revenus entre riches et pauvres. Actuellement, une personne seule qui gagne 250 000 $ par année et une autre qui gagne 50 000 $, soit 5 fois moins, voient leur écart réduit à un facteur de 3,92 sous l’effet de l’impôt et des programmes en question. Cet écart serait réduit à 3,88 avec les promesses libérales. Un couple avec enfants dont l’un des conjoints gagne 60 % du revenu familial et l’autre 40 % verrait ce même ratio diminuer de 3,22 à 2,93, alors qu’une famille monoparentale passerait de 3,07 à 2,73.

« Le Québec en ressortirait avec plus de gagnants que de perdants », résume Luc Godbout à propos des changements avancés par les libéraux.

Selon eux, toutes ces modifications fiscales coûteraient 1,8 milliard par année au gouvernement fédéral. Elles se traduiraient aussi par un manque à gagner dans les provinces, parce que la PUGE est imposable. L’étude de la Chaire en fiscalité estime cette perte à entre 150 millions et 200 millions par an.

Écart grandissant avec l’Ontario

En principe partout les mêmes au Canada, les réformes libérales auraient néanmoins pour impact de creuser l’écart qui sépare le Québec et l’Ontario en matière de fardeau fiscal, à l’exception notable de l’impôt des plus riches, qui deviendrait plus élevé dans la province voisine.

Un abattement fiscal spécial de 16,5 %, convenu entre Québec et Ottawa au début des années 60, réduirait en effet la baisse d’impôt promise à la classe moyenne de 1,5 point de pourcentage à 1,25 au Québec, et la hausse pour les plus riches, de 4 points à 3,34. Le taux marginal maximal combiné au Québec pour les revenus dépassant 200 000 $ passerait ainsi de 49,97 % à 53,31 %, soit tout juste en dessous de l’Ontario, qui passerait de 49,53 % à 53,53 %.

Cet écart exceptionnellement favorable avec l’Ontario serait une bien mince consolation pour le Québec, qui bondirait ainsi du 10e au 5e rang pour le taux maximal le plus élevé dans l’OCDE, après la Suède (56,9 %), le Danemark (56,2 %), la France (54 %) et le Canada/Ontario (53,5 %). De plus, l’effet de l’abattement fiscal sur la baisse d’impôt de Justin Trudeau ne ferait qu’augmenter un peu plus l’écart défavorable au Québec pour toutes les autres tranches de revenu, observe Luc Godbout.

L’expert présidait récemment la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise. Il y recommandait notamment d’améliorer l’efficacité et la compétitivité du régime fiscal québécois en réduisant un peu les impôts sur le revenu en échange de modestes hausses de la taxe à la consommation et de tarifs.

72 240 $
C’est le revenu médian des ménages québécois en 2013, à raison d’un revenu de marché moyen de 83 200 $ pour les couples sans enfant, 95 600 $ pour les couples avec enfants, 53 200 $ pour les familles monoparentales et 39 000 $ pour les personnes seules.
4500 $
Gain par an pour les couples avec deux enfants et un revenu annuel total de 50 000 $ comparativement à entre 1600 $ et 2800 $ pour les ménages ayant un revenu deux fois plus élevé, et à un recul de 600 $ à 4700 $, pour les familles gagnant 250 000 $ par an.

Le Québec en ressortirait avec plus de gagnants que de perdants

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