Des cibles inatteignables pour le transport

Le transport a compté pour près de la moitié de l’augmentation des émissions de GES au Canada depuis 1990.
Photo: Olivier Zuida Le Devoir Le transport a compté pour près de la moitié de l’augmentation des émissions de GES au Canada depuis 1990.

Même si par magie toutes les voitures, véhicules utilitaires, autobus et autres modes de transport de passagers n’étaient plus mus qu’à électricité, le Canada serait encore à court de la cible internationale de réduction des gaz à effet de serre (GES), estime le Conference Board du Canada.

Pour atteindre des réductions d’émissions ambitieuses dans le transport routier, les gouvernements, les entreprises et la société tout entière devront sortir du flou artistique et se donner une véritable stratégie d’ensemble engageant le Canada plus à fond dans une vaste gamme de solutions, conclut la firme privée de recherche dans une étude de 150 pages dévoilée jeudi.

Le transport a compté pour près de la moitié de l’augmentation des émissions de GES au Canada depuis 1990, la part la plus élevée de ces émissions étant attribuable au transport routier. Alors qu’il faudrait que le niveau de GES diminue de 80 % entre 1990 et 2050 pour garder le réchauffement climatique sous la barre des 2 °C, le total des émissions du transport routier au Canada a augmenté de 40 % de 1990 à 2013 en dépit de normes plus sévères, de progrès technologiques et d’une diminution des distances moyennes parcourues avec l’urbanisation. Cet échec est notamment attribuable à l’augmentation du nombre de véhicules sur les routes et de l’engouement des conducteurs pour les véhicules utilitaires légers plus polluants que les automobiles.

Mal parti

 

Au rythme où vont la réglementation, les progrès technologiques et l’évolution des moeurs, le total des émissions reculera tout au plus de 12 % d’ici 2050, laissant le Canada à près de 24 %, non pas en dessous, mais au-dessus du niveau de 1990. Même en supposant une plus grande conversion aux véhicules verts, une augmentation du covoiturage, une diminution des distances parcourues et une hausse des transports en commun, le Conference Board estime qu’on parviendrait tout au mieux à atteindre une réduction de GES de 22 % à 27 % par rapport à 1990. Et l’on ne parle pas des coûts que de pareils changements pourraient représenter.

Les auteurs de l’étude ont cette façon percutante d’illustrer l’ampleur du défi. Même si l’ensemble du transport des personnes ne fonctionnait plus qu’à l’électricité, et que cette électricité provenait de sources non polluantes, on émettrait deux fois trop de GES en raison du transport des marchandises.

« Il est vraisemblable que les réductions futures d’émissions atteignent un plafond pratique ou économique avant que les niveaux de réductions [souhaités] puissent être atteints », conclut-on.

Le temps d’être sérieux

Ce qui ne veut pas dire qu’il faille jeter l’éponge, mais plutôt que le temps de se recentrer sur « approche plus stratégique » est venu afin de trouver et mettre en place le bon assemblage de mesures les plus susceptibles de produire des résultats.

Les gouvernements devraient, par exemple, continuer d’encourager l’avènement de nouvelles sortes de véhicules, tout en favorisant les solutions les plus viables. Tout devrait être fait aussi pour « sortir les gens de leurs voitures » en augmentant l’offre de transports collectifs, mais aussi en aménageant des villes où il fait bon marcher ou faire du vélo.

Les entreprises et les consommateurs devront peut-être se résoudre aussi à avoir un transport de marchandises un peu plus lent et coûteux qui ferait un plus grand usage de camions verts, mais aussi de navires et de trains.

Plus profondément, il faudra apprendre à avoir besoin de moins de transport, dit le Conference Board, en ne se rendant qu’une fois par semaine en voiture à l’épicerie ou en travaillant plus souvent depuis la maison.

« Les gouvernements, les industries et la société tout entière devront travailler ensemble », conclut l’étude, parce que les décisions qu’il faudra prendre « dépasseront le choix du véhicule, le choix du carburant et même le choix du mode de transport. Ils impliqueront des changements de comportement ».

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