Des propriétaires fragiles

Photo: Jacques Nadeau Le Devoir

Les propriétaires de condominiums n’investissent pas assez dans leurs fonds de prévoyance, plaident trois organisations-clés du secteur.

« Il est temps d’agir pour les législateurs, a déclaré jeudi Me Yves Jolicoeur, le fondateur du Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec (RGCQ). L’acquisition d’une copropriété n’est pas censée être une profession de foi », ajoute-t-il.

Le RGCQ, la Fédération des chambres immobilières du Québec (FCIQ) et l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation (APCHQ) sont tous très préoccupés par la situation.

Lors d’un point de presse jeudi, ils ont dévoilé les résultats d’un sondage montrant que 49 % des administrateurs de condominiums n’ont aucun outil de planification sur les sommes à verser dans leur fonds de prévoyance.

Dans les deux tiers des cas (67 %), le fonds de prévoyance contient moins de 1 % de la valeur de la propriété. Or pour un immeuble n’ayant jamais eu de travaux, on estime que 5 % sont un minimum.

Ces résultats sont issus d’un sondage Web mené en septembre sur une base volontaire. Un total de 850 copropriétaires y ont participé en provenance de tout le Québec.

Le document révèle en outre que dans 41 % des cas, les syndicats ont déjà manqué de fonds pour payer des travaux urgents. Dans 61 % de ces cas, ils ont dû payer la facture en une seule fois, au moyen d’une cotisation spéciale.

En plus de placer les propriétaires dans des positions de grande fragilité financière, cela nuit aux acheteurs potentiels, selon la représentante de la Chambre immobilière, Christiane St-Jean.

 

À ses yeux, les cotisations spéciales sont devenues la norme, et cela constitue un véritable frein à la demande.

Me Jolicoeur ajoute que ce contexte fait en sorte d’apeurer les compagnies d’assurance. L’une d’entre elles, Aviva, s’est d’ailleurs retirée du secteur récemment, a-t-il souligné.

Ces conclusions surviennent, faut-il le rappeler, dans un contexte où le marché du condominium est déjà au ralenti. Pour 2015, l’APCHQ prévoit une diminution de 9 % des mises en chantier, ce qui en fait l’année la plus faible en dix ans.

Selon l’APCHQ, il faut d’autant plus encadrer le marché du condominium que c’est un mode de propriété intéressant pour réaliser les objectifs de densification de nombreuses municipalités.

Les trois organisations réclament une intervention rapide de la part du gouvernement, mais graduelle, pour ménager les propriétaires. Ils estiment notamment que chaque propriété devrait avoir l’obligation de se doter d’une étude de fonds de prévoyance, qu’un acheteur potentiel pourrait consulter avant de faire l’acquisition d’une unité.

Invitée à réagir, la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, a fait savoir qu’elle travaillait déjà sur ce dossier. « Un projet de loi sur la copropriété est en préparation », a fait savoir son attachée de presse sans fournir plus de détails sur l’échéancier. La dernière modification réglementaire sur les copropriétés remonte à 1994.

Le fondateur du RGCQ ajoute que c’est « compliqué » pour les courtiers et les acheteurs de s’y retrouver. « Il y a moins de protection législative et beaucoup moins de structure. Ça crée une très grande insécurité », dit-il.

Encore pire pour la copropriété indivise

S’il y a matière à inquiétude sur le marché courant des copropriétés (ou divises), c’est encore pire du côté de ce qu’on appelle la copropriété indivise. Ce type de condo n’était d’ailleurs pas pris en compte dans le sondage dévoilé jeudi. La formule, qui s’est développée en calquant le modèle de la copropriété divise, n’est pas assujettie aux mêmes obligations et a permis à des propriétaires d’immeubles locatifs de contourner les moratoires sur les conversions en condominiums ces dernières années. Non seulement les règles y sont encore moins claires, mais l’état du parc est sous-documenté, note Me Jolicoeur. « Ce qui est assez préoccupant, c’est qu’on n’a pas fait de relevé du marché de “l’indivise”. Il faudrait documenter l’âge des bâtisses, le nombre d’unités… L’indivise est une réelle problématique. »


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