Le monde saura-t-il éviter le pire?

Photo: Joe Raedle Agence France-Presse

Le Fonds monétaire international (FMI) presse la Réserve fédérale américaine d’attendre encore un peu avant de relever ses taux et la Chine d’accélérer ses réformes structurelles afin d’éviter le désordre dans les marchés financiers et que le monde replonge en récession économique.

L’endettement des pays émergents, la menace d’un assèchement brutal de leur crédit ainsi que la lenteur de l’assainissement de la finance en Europe pourraient enlever 2,4 % à la croissance économique mondiale d’ici 2017, estime le FMI dans la dernière édition de son Rapport sur la stabilité financière dans le monde, dévoilé mercredi. L’impact serait un peu inférieur à une moyenne de 1 % par année aux États-Unis et au Canada, mais atteindrait 1,4 % en Chine et dépasserait même ce niveau en Europe et au Japon, grossissant par le fait même les rangs des chômeurs et l’endettement des gouvernements. Bien que pas suffisant pour parler de croissance négative, un pareil choc ferait passer la croissance globale sous le seuil de 3 % à partir duquel le FMI parle habituellement de récession mondiale.

L’institution internationale a, en effet, révisé à la baisse mardi ses prévisions économiques pour un grand nombre de pays, y compris le Canada, et ne s’attend plus désormais qu’à une croissance mondiale de 3,1 % cette année et de 3,6 % l’an prochain.

Le FMI continue de croire que le monde évitera le pire en matière de stabilité financière et se réjouit, par exemple, de l’assainissement de la finance américaine, du renforcement de la conjoncture macroéconomique des pays développés et du raffermissement dans la confiance en leurs politiques monétaires. Il constate cependant qu’en matière financière, « les risques continuent de basculer vers les pays émergents sur fond de risques de liquidités grandissants ». Le scénario du pire « est loin de reposer sur des hypothèses extrêmes »,a précisé en entrevue au Financial Times le responsable du rapport du FMI, José Viñals.

3000 milliards de dettes de trop

Longtemps, la coqueluche des investisseurs, particulièrement avec l’adoption de politiques ultra-accommodantes et l’effondrement des rendements dans les pays développés, les économies émergentes arrivent maintenant à un point de retournement où leur modèle de croissance s’essouffle et le poids et la mauvaise qualité de leurs dettes les rattrapent. Le FMI estime ainsi que leur niveau actuel d’endettement dépasse de 3000 milliards ce qu’il devrait normalement être. La Chine se révèle la plus exposée de toutes à ce chapitre avec un « surendettement » équivalant à 25 % de son économie.

Il ne fait pas de doute, dans ce contexte, qu’un certain nombre d’entreprises seront entraînées dans la faillite par le poids de leurs dettes, prévenait le FMI dans un autre chapitre de son rapport dévoilé la semaine dernière. La situation deviendrait beaucoup plus grave si elles devaient aussi emporter dans leur chute les banques qui les ont appuyées, d’autant plus que les gouvernements n’auraient alors probablement pas d’autre choix que de venir à leur secours. Aussi, le FMI presse-t-il la Chine d’accélérer le rythme de son désendettement et de son rééquilibrage économique en cours tout en se montrant extrêmement attentive et réactive par rapport à l’évolution de sa situation financière.

Si les choses se corsent, la Chine ne sera pas la seule dans le pétrin, a prévenu José Viñals lors du dévoilement du rapport du FMI mercredi à Lima, au Pérou. « L’histoire nous a montré que les marchés peuvent amplifier de pareils chocs et servir de vecteurs de volatilité et de contagion lorsque la liquidité du marché financier est basse. Or, le rapport révèle qu’on peut de moins en moins se fier à ce degré de liquidité. »

La Fed contre le désordre financier

 

Le FMI dit craindre que le retour à une situation financière plus durable dérape et tourne au « désordre »,à des ventes d’actifs à perte et à encore plus de volatilité. Ce « cercle vicieux » risque notamment d’être nourri par les fonds d’investissement dont le recours au levier dans le marché obligataire dépasserait les 1500 milliards. En retard par rapport à leurs homologues américaines dans l’assainissement de leurs bilans, les banques européennes seraient très exposées à une dégradation de la situation dans les pays émergents.

Le FMI presse de nouveau la Réserve fédérale américaine d’agir avec prudence dans le début du relèvement de ses taux d’intérêt afin de ne pas déclencher un vaste mouvement de retour des investissements aux États-Unis et assécher brutalement le crédit des pays émergents endettés. José Viñals dit même, cette fois, que la Fed devrait reporter à 2016 la première hausse de son taux directeur, qu’elle promet depuis longtemps pour avant la fin de l’année. « Le rythme des hausses subséquentes devra ensuite être graduel et bien expliqué. »

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