Quand même les banquiers se mettent à trouver l’herbe plus verte chez le voisin...
Près de 2 millions de dollars par jour: c’est ce qu’a gagné en 2014 Stephen Schwarzman, 68 ans, patron du fonds d’investissement Blackstone. Au total, il a empoché 690 millions, ridiculisant les bonus des banquiers.
M. Schwarzman, qui a cofondé Blackstone en 1985, a perçu 85,9 millions en salaire, 570 millions en dividendes et 33,5 millions pour ses investissements à titre personnel dans des fonds gérés par son « bébé », selon des documents boursiers.
Lloyd Blankfein et Jamie Dimon à la tête de Goldman Sachs et de JP Morgan Chase, deux des plus admirés fleurons de Wall Street, se sont contentés de respectivement 30 millions et 20 millions.
Contacté par l’AFP, Blackstone n’a pas donné suite.
« La raison pour laquelle je gagne beaucoup plus d’argent que Lloyd, c’est parce que quand on fonde une entreprise et qu’on en prend les actions, on gagne de l’argent qu’on travaille ou qu’on ne travaille pas », s’est défendu M. Schwarzman lors d’un colloque à Manhattan.
Comme lui, les dirigeants des principaux fonds américains croulent sous l’or. À commencer par Jonathan Gray, dirigeant du fonds de Blackstone spécialisé dans l’immobilier, qui a empoché 205 millions, selon les documents boursiers. David Rubenstein, William Conway et Daniel D’Aniello, cofondateurs de Carlyle Group, ont reçu respectivement 132,3 millions, 247,7 millions et 133,8 millions. Chez KKR, Henry Kravis a empoché 219,7 millions et George Roberts 229,1 millions.
Détenteur du record avec 546 millions en 2013, Leon Black chez Apollo Global Management n’a perçu « que » 331 millions l’an dernier.
« Ce sont des chiffres affolants: pour gagner beaucoup d’argent, il faut aller travailler dans la finance alternative », réagit auprès de l’AFP Gregori Volokhine, gérant de portefeuille chez Meeschaert Capital Markets. Les sociétés de capital-investissement sont des fonds qui prennent des participations dans des entreprises, souvent non cotées, en quête de capitaux. Elles investissent dans différents types d’actifs. Depuis quelques semaines, elles rachètent ainsi les dettes de groupes énergétiques fragilisés par le plongeon des prix du pétrole.
Cartes redistribuées
La crise financière de 2008 a complètement redistribué les cartes entre ces maîtres de la finance et les banquiers. Quand les banques doivent se serrer la ceinture, renoncer à la spéculation et renforcer leurs fonds propres, les fonds profitent du renouveau des Bourses pour récolter les fruits de leurs paris dans les entreprises en difficulté pendant la débâcle.
Blackstone a par exemple secouru en 2007 la chaîne hôtelière Hilton qui croulait sous les dettes. Il l’a redressée et introduite en fanfare en Bourse six ans plus tard.
L’an dernier, ces fonds ont récolté 428 milliards en cession d’actifs, soit un bond de 30 % sur un an, selon le cabinet Preqin. En Bourse, ceci se traduit par un plébiscite. La valeur du titre Blackstone a été multipliée par plus de six depuis janvier 2009, alors que l’action Goldman Sachs, considéré comme la « Rolls Royce » des banques d’investissement, n’a que doublé sa valeur.
Les sociétés de capital-investissement gagnent aussi de l’argent en gérant des fonds externes qui leur sont confiés par des investisseurs séduits par leur performance. Elles sont rémunérées au pourcentage, soit 20 % des bénéfices générés.
« Le défi pour les grandes banques est désormais de pouvoir attirer et retenir les talents », dit Alan Johnson, directeur du cabinet Johnson Associates, référence dans le secteur financier en matière de rémunération. Il observe qu’il y a un exode depuis plusieurs mois des banquiers vers la finance alternative. « Quand un banquier gagne un million, son équivalent chez un fonds peut en gagner jusqu’à cinq de plus. En plus, il n’a pas à se soucier des régulateurs ni des critiques », dit l’expert.
Les bonus des employés des fonds d’investissement ont bondi de 16 % en 2014, selon Hedge Fund Compensation Report, alors que ceux des traders sont en baisse.