L’écofiscalité fait son chemin dans les mentalités

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Deux mois et demi après la création de la Commission de l’écofiscalité du Canada, qui unit des gens de plusieurs milieux pour stimuler le débat public, son président croit que le sujet « touche une corde sensible » chez les gens et estime que « la dynamique est en train de changer ».

La création de cette organisation, survenue dans la foulée d’un effort de sensibilisation de la Banque mondiale sur la tarification du carbone, a eu lieu au bon moment, mais l’ampleur des réactions positives à la création de la Commission étonne encore son président, Chris Ragan, professeur au Département d’économie de l’Université McGill.

« Les gens, qu’il s’agisse de travailleurs, de professeurs universitaires ou de fonctionnaires, comprennent qu’il y a des défis à la fois environnementaux et économiques »,a affirmé mardi M. Ragan lors d’un entretien dans son bureau du campus de l’université. « Et depuis longtemps, ils se font dire que vous ne pouvez pas attaquer un de ces défis sans abandonner l’autre. Vous pouvez avoir les deux, à condition de réfléchir aux politiques. […] Ça m’a vraiment ouvert les yeux. Je ne pensais pas que ça serait si gros. […] Ça touche une corde sensible chez les gens, une corde que je ne croyais pas si sensible. »

La Commission, qui réunit des économistes, des environnementalistes, d’anciens premiers ministres et des gens d’affaires, a organisé mardi à Montréal une table ronde portant sur l’écofiscalité pour les villes. S’y trouvaient notamment l’ex-premier ministre Jean Charest, le maire de Gatineau, Maxime Pedneaud-Jobin, de même que des gens du Conseil du patronat du Québec et du groupe de recherche CIRANO.

Signal de prix

 

L’écofiscalité est définie comme une façon de donner un signal de prix pour favoriser un effet économique voulu avec une contrepartie écologique. Par exemple, il peut s’agir de réduire ou d’éliminer des comportements indésirables : pollution de l’air, contamination des sols, etc. La Commission compte publier cette année trois rapports, mais Ragan n’a pas voulu s’avancer dans les détails.

Les derniers mois ont été chargés. En septembre 2014, par exemple, la Banque mondiale a affirmé que 73 pays étaient désormais pour une tarification du carbone, tout comme des centaines d’entreprises. Certains brillaient par leur absence (États-Unis, Canada, Inde), mais d’autres étaient présents : la Chine, les gouvernements du Québec, de l’Alberta et de la Colombie-Britannique, l’Union européenne, etc. Parmi les sociétés figuraient IKEA, Royal Dutch Shell, Rio Tinto, et il y avait aussi des groupes environnementaux, comme le Sierra Club et WWF International.

Le gouvernement du Québec, de son côté, fait partie des États qui ont déjà implanté des mécanismes de tarification du carbone. Alors que la Colombie-Britannique a créé une taxe carbone, dont la contrepartie est une diminution de certaines autres taxes, le Québec a mis en place un système de plafonnement et d’échange de droits d’émission. Son marché est maintenant lié à celui de la Californie. Le gouvernement veut, d’ici 2020, diminuer ses émissions de gaz à effet de serre de 20 % par rapport au niveau de 1990.

« L’écofiscalité est un outil extrêmement performant pour internaliser les impacts environnementaux de nos activités »,a dit lors de l’événement de mardi Steven Guilbeault, directeur principal d’Équiterre et membre du comité directeur de SWITCH, un group qui réunit des entreprises et des environnementalistes.

« Aucun gouvernement au Québec n’a, à ce jour, mené une réflexion d’envergure sur cette question,a ajouté M. Guilbeault. Il y a déjà des mesures écofiscales dans certains domaines, comme pour le traitement des matières résiduelles, la consommation d’hydrocarbures ou les émissions de gaz à effet de serre. Mais nous n’avons collectivement jamais procédé à un inventaire afin d’assurer une approche fiscale cohérente. »

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