Les banquiers incitent la BCE à ne pas «aller trop loin»
![Axel Weber, président d’UBS: «Ils [les dirigeants de la BCE] ne devraient pas aller trop loin parce que, plus ils en font, plus l’incitation pour que les gouvernements agissent est faible »](https://media1.ledevoir.com/images_galerie/nwd_269355_185395/image.jpg)
Plusieurs grands banquiers ont débattu mercredi à Davos des limites de l’action de la banque centrale avant même l’annonce très attendue de son programme massif de rachat d’actifs, qui devrait avoir lieu jeudi.
Au premier jour de ce grand forum réunissant leaders économiques et politiques du monde entier, Axel Weber, l’actuel président de la banque suisse UBS, a estimé que la BCE ne devait pas en faire trop pour résoudre les problèmes de la zone euro qui nécessitent des réformes de la part des gouvernements. « La BCE ne peut que contribuer à la résolution des problèmes en Europe », a dit M. Weber, par ailleurs ancien président de la banque centrale allemande, et à ce titre membre du conseil des gouverneurs de la BCE. « Selon moi, ils ne devraient pas aller trop loin parce que, plus ils en font, plus l’incitation pour que les gouvernements agissent est faible », a expliqué M. Weber.
Ces propos surviennent alors que la Banque centrale européenne s’apprête selon toute vraisemblance à lancer lors de sa réunion jeudi un vaste programme de rachat d’actifs, élargi aux dettes souveraines, afin de lutter contre le risque de déflation en zone euro. « L’Europe a perdu une bonne occasion de faire beaucoup de choses qui auraient pu être faites dans un environnement plus favorable », selon M. Weber, qui avait claqué la porte de l’institut de Francfort, en partie pour protester contre une politique de la BCE qu’il jugeait trop laxiste. Il s’inquiète du fait que la BCE « achète du temps », lequel n’est pas assez mis à profit par les gouvernements de la zone euro pour engager des réformes.
Même discours pour le patron d’HSBC, Douglas Flint, qui a souligné que la croissance ne pourrait venir que des réformes structurelles, le rôle de la BCE se limitant à créer l’environnement adéquat. « Si le QE [assouplissement monétaire] réussit et rétablit la confiance, c’est très bien, mais le risque c’est que les efforts politiques sur les réformes structurelles et la compétitivité soient mis au second plan », a estimé M. Flint.
« En fin de compte, pour stimuler la croissance, il faut la bonne démographie, de la compétitivité, de l’innovation et des réformes. Le système financier […] ne peut pas créer ça », a-t-il poursuivi.
Anshu Jain, l’un des deux patrons de Deutsche Bank, s’est montré moins sévère, estimant que les rachats d’actifs n’étaient ni négatifs, ni positifs. Ce programme « va amener de la stabilité en Europe, améliorer les réserves pour créances douteuses, réduire les faillites, ce qui est bon pour les banques », a-t-il souligné, précisant que le marché tablait sur des rachats à hauteur de 750 milliards d’euros. Il a toutefois rappelé que pour les banques, le rachat d’actifs se traduirait également par des taux d’intérêts très bas, « avec une véritable destruction des marges, ce qui sera un grand défi à relever ».
S’il fait consensus sur les marchés financiers, le rachat d’actifs a longtemps divisé les membres de la BCE, notamment côté allemand où l’on estime que ce type de mesures ne devrait pas pallier le manque de réformes en Europe. Cette opposition ne devrait toutefois pas empêcher le patron de la BCE Mario Draghi d’annoncer de nouvelles mesures jeudi, selon de nombreux observateurs.