Le sable albertain reste profitable

Les cours du pétrole brut ont connu une baisse spectaculaire cette année, mais il ne faudrait pas croire que l’industrie des sables bitumineux est en train d’appliquer les freins sur les futurs projets, selon un expert. Ce qui ne veut pas dire que les entreprises n’ont pas les yeux rivés sur l’état du marché.
Dans son plus récent rapport de gestion, Suncor indique clairement que le coût d’exploitation de ses activités près de Fort McMurray était de seulement 31,10 $ le baril à la fin de l’été. En 2011, il s’élevait à près de 40 $.
« L’entreprise peut avoir un coût de production de 30 à 40 $ le baril, mais il faut aussi savoir que le cours du brut synthétique sur les marchés, en dollars canadiens, se situe à 74 $,dit Andrew Leach, spécialiste des questions énergétiques à l’Université de l’Alberta. C’est quand même très bon. »
Les cours du pétrole ont repris leur descente mardi, le Brent (mer du Nord) s’arrêtant à 70,54 $US alors que le West Texas Intermediate (WTI) s’est replié à 66,88 $US. Au printemps dernier, le Brent planait au-dessus des 110 $US.
La chute des derniers mois suscite une panoplie de questions sur les causes et les conséquences d’un tel mouvement. Alors que certains montrent du doigt l’économie poussive en Europe et ailleurs, d’autres évoquent le rôle potentiel des spéculateurs.
Malgré la pression de l’Iran et du Venezuela, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) a refusé de diminuer sa production la semaine dernière, ce que des analystes ont vu comme une façon de tester les limites de l’industrie américaine du pétrole de schiste. Celle-ci a un coût de production plus élevé qu’en Arabie saoudite, grand producteur mondial que les États-Unis ont récemment réussi à rattraper grâce à cette nouvelle production.
Une autre façon d’analyser l’exploitation des sables pétrolifères consiste à estimer le coût d’approvisionnement en incluant des facteurs comme les dépenses d’investissement, les redevances, les taxes et le rendement attendu du projet.
En mai 2014, l’Alberta Energy Regulator (AER), l’agence responsable du secteur, a avancé une fourchette de 55 $ à 85 $ pour les projets de drainage par gravité au moyen de vapeur. Il s’agit des projets dits in situ. L’autre façon, qui oblige à transporter des morceaux de sable dur jusqu’à un centre de traitement, a une fourchette de 75 $ à 105 $, selon l’AER. « Le développement de plusieurs projets in situ et miniers est encore réalisable, a écrit l’AER. Cependant, certains projets plus coûteux pourraient être reportés ou annulés. »
Le seuil des 100 $
Le seul type de projet qui demeure réalisable lorsque le baril de pétrole WTI tourne autour de 100 $US, c’est un projet in situ, a estimé cet été un groupe de recherche financé par l’industrie. « Ceci reflète la façon dont sont développés les projets de sables bitumineux », a écrit le Canadian Energy Research Institute (CERI) dans un document intitulé Les coûts d’approvisionnement et les projets de développements des sables bitumineux canadiens.
Un autre joueur important des sables bitumineux, Canadian Oil Sands, chiffre à 50 $ et 65 $ le baril les coûts d’approvisionnement de ses projets existants. Son action a chuté de 41 % depuis six mois, comparativement à un recul de 13 % pour celui de Suncor.
La décision de construire ou non des installations de production dans les sables bitumineux se fait dans une perspective à très long terme. « Les cours sont bas, mais lorsqu’on regarde la valeur de production d’un baril de pétrole des sables bitumineux, à quelques reprises on a vu des prix plus bas au cours des cinq dernières années. Et les compagnies sont encore là,a dit M. Leach. Oui, le Brent est à son plus faible depuis la crise. Est-ce que ça va continuer ? On verra. » Le passage à vide des cours du brut « peut inquiéter » l’industrie, selon lui, « mais elle n’est pas en train de dire qu’elle met tout de côté ».