Le Canada serait le grand responsable de la hausse de la pollution
Les secteurs canadiens de l’extraction minière, pétrolière et gazière sont principalement responsables de l’augmentation globale de la pollution industrielle déclarée en Amérique du Nord au cours des dernières années, révèle une étude internationale inédite.
La Commission de coopération environnementale (CCE), créée dans le cadre de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), a publié mercredi un rapport offrant l’analyse la plus complète à avoir été réalisée sur le rejet de polluants à l’échelle nord-américaine.
L’étude documentant la pollution industrielle déclarée par quelque 35 000 installations du Canada, des États-Unis et du Mexique entre 2005 et 2010 rapporte que le volume total de rejets et de transferts de polluants s’est accru de 14 % au cours de cette période, surtout en raison de la hausse des rejets sur le sol (+108 %).
Les auteurs expliquent que l’augmentation de ce type de rejets est attribuable aux nouvelles règles de divulgation imposées par Ottawa, qui obligent désormais les secteurs de l’extraction de minerais métalliques, de pétrole et de gaz — y compris l’industrie des sables bitumineux — à déclarer davantage de rejets à l’Inventaire national des rejets polluants (INRP).
L’analyse de la CCE nous apprend en revanche que les rejets déclarés de polluants dans l’air à travers l’ensemble de l’Amérique du Nord ont chuté de 36 %, notamment grâce aux nouveaux règlements encadrant les centrales électriques américaines alimentées aux combustibles fossiles, comme le charbon. Les rejets dans l’eau divulgués par les différents secteurs industriels sont pour leur part demeurés relativement stables entre 2005 et 2010, ne diminuant que de 5 %.
Le Canada a donc un impact considérable sur la pollution industrielle du continent, mais il est en quelque sorte victime de sa transparence. « Le secteur de l’extraction de pétrole et de gaz, un secteur clé en Amérique du Nord, qui, au Canada, se classe tous les ans parmi les secteurs industriels ayant effectué les plus importants rejets et transferts, n’est pas soumis à déclarations aux États-Unis », soulignent les auteurs du rapport.
Ceux-ci admettent qu’il est très difficile de déterminer si la pollution industrielle a réellement augmenté lors de la période analysée, ou si la hausse observée s’explique simplement par une plus grande divulgation de certains secteurs industriels. « Il y a d’importantes différences entre les trois pays sur le plan des rejets et des transferts totaux déclarés, du nombre d’établissements déclarants et de polluants visés, ainsi que de la direction des changements survenus au cours de la période », écrivent-ils dans leur document comptant près de 150 pages.
Pour illustrer le manque d’uniformité des registres nationaux de rejets et de transferts de polluants, la CCE indique que parmi les 500 polluants faisant l’objet de déclarations tous les ans sur l’ensemble du continent, seulement 60 sont communs aux programmes du Canada, des États-Unis et du Mexique.
La même logique s’applique aux émissions de gaz à effet de serre, qui ne sont pas mesurées de la même façon partout, explique la principale auteure de l’étude, Danielle Vallée. « En soulevant ces lacunes-là, on espère pouvoir améliorer la comparabilité en travaillant avec les trois pays concernés et les secteurs industriels », tout en respectant le profil industriel de chaque juridiction, ajoute-t-elle.
La CCE déploie des « efforts continus » pour remédier à la situation et devrait publier d’ici la fin de l’année une nouvelle version du plan d’action en la matière publié en 2005. « Notre objectif n’est pas de dire aux industries d’arrêter leurs activités, mais plutôt de bien gérer leurs déchets », fait remarquer Mme Vallée.
Responsabilité partagée
Un portrait plus juste de la pollution industrielle permettrait aux citoyens d’être mieux informés et de mettre de la pression sur les entreprises les plus polluantes pour les inciter à améliorer leurs pratiques, estiment les auteurs. Danielle Vallée croit que tout le monde doit mettre la main à la pâte pour accroître la divulgation et, ultimement, protéger l’environnement. « Les industries peuvent changer leurs façons de faire, les gouvernements peuvent adapter leur réglementation et même les citoyens sont par exemple responsables des rejets polluants des usines de traitement des eaux usées », dit-elle.
Pour appuyer leurs dires, les auteurs du rapport ont mené un sondage auprès d’entreprises de l’industrie des pâtes et papiers, un des secteurs les plus polluants pour l’air (deuxième rang) et l’eau (troisième rang). Les commentaires des différentes usines interrogées laissent entendre que « les exigences des clients jouent un rôle dans les décisions de gestion environnementale des établissements, par exemple en ce qui concerne le choix des produits chimiques utilisés dans les procédés », résume le rapport de la CCE.