Protéger la Terre à un coût dérisoire

La réduction des gaz à effet de serre passe notamment par la densification des villes et le développement du transport collectif.
Photo: Mark Ralston Agence France-Presse La réduction des gaz à effet de serre passe notamment par la densification des villes et le développement du transport collectif.

Le monde peut encore éviter le pire des changements climatiques à un coût économique relativement modeste à condition que les gouvernements envoient vite un message clair et fort, conclut un ambitieux rapport d’experts et de dirigeants politiques et économiques.

Il en coûterait, les 15 prochaines années, 5 % de plus en infrastructures et de 6 à 12 mois de retard dans la croissance économique pour accomplir jusqu’à 90 % de l’effort nécessaire pour continuer d’avoir des chances de rester sous le seuil jugé critique en matière de changements climatiques, estime le volumineux rapport dévoilé mardi par une commission indépendante coprésidée par l’ancien président mexicain Felipe Calderón, et l’économiste britannique Nicholas Stern.

« Notre rapport réfute l’idée qu’il faille choisir entre la lutte contre les changements climatiques ou la croissance de l’économie mondiale. C’est un faux dilemme »,a déclaré M. Calderón au terme d’un travail d’un an auquel ont contribué 24 dirigeants de 19 pays issus du monde de la politique et des affaires, ainsi qu’un groupe d’une quinzaine d’économistes triés sur le volet.

Il devrait se dépenser pour 89 000 milliards de dollars en nouvelles infrastructures urbaines, énergétiques et agricoles d’ici 2030, note le rapport. Il en coûterait à peine 4100 milliards (ou 5 %) de plus, peut-être moins encore, si ces infrastructures, plutôt que de répéter les erreurs de passé, visaient aussi la réduction des gaz à effet de serre en prenant, par exemple, la voie de la densification des villes, du transport collectif, des énergies renouvelables, de l’augmentation de la productivité agricole et de la reforestation.

Gouvernements demandés

 

Pour ce faire, on peut compter, entre autres, sur les progrès de la science, qui rendent, par exemple, les énergies renouvelables plus concurrentielles que jamais, disent les auteurs du rapport.

Mais le monde a surtout un urgent besoin que « les gouvernements adoptent des politiques à long terme claires qui envoient les bons signaux en matière notamment de régulation ainsi que de prix des émissions de carbone et des ressources »,afin que les acteurs économiques prennent en compte ces facteurs. On pourrait commencer par s’attaquer aux quelque 600 milliards versés chaque année en subvention aux énergies fossiles contre seulement 100 milliards pour les énergies renouvelables. Il faudra aussi, au minimum, que les pays riches et les pays en développement conviennent d’objectifs et de règles générales communs pour s’assurer que l’effort soit réparti de façon équitable, dit le rapport, qui arrive quelques jours avant la tenue d’un sommet des Nations unies sur le climat en préparation de la grande conférence mondiale de Paris en décembre 2015.

Pas trop tard, et pas trop cher

 

Nicholas Stern avait fait grand bruit la première fois qu’il avait affirmé, en 2006, que la lutte contre les changements climatiques et la poursuite de la croissance économique n’étaient pas nécessairement contradictoires à condition de s’y prendre assez tôt.

Il croit aujourd’hui qu’il est encore possible de faire entre 50 % à 90 % du chemin nécessaire pour arriver, en 2030, là où il fallait pour ne pas dépasser le seuil critique d’un réchauffement climatique de 2 degrés d’ici la fin du siècle. Tout dépendra de l’effort consenti et de la rapidité d’action.

Selon les estimations les plus sérieuses, le coût économique de l’effort requis d’ici 2030 s’élèverait entre 1 % et 4 % de croissance mondiale, a rappelé son rapport mardi. « Ce n’est pas beaucoup, compte tenu de la croissance économique qu’on devrait avoir eue d’ici là. Ce serait l’équivalent d’atteindre le même niveau de produit intérieur brut 6 ou 12 mois plus tard. »

Ces coûts apparaissent encore plus modestes si l’on tient compte de ce que ces mêmes changements coûteraient si l’on attend encore plus longtemps, mais aussi du prix des dommages qu’infligeront les changements climatiques, ne serait-ce qu’en matière d’infrastructures détruites, de sécurité alimentaire ou de problèmes de santé.

Mauvaise nouvelle pour les sables bitumineux

 

Les auteurs du rapport admettent cependant que le combat contre les émissions de carbone fera plus mal à certains, particulièrement dans les industries liées aux énergies fossiles.

Directeur du projet à l’origine du rapport, Jeremy Oppenheim a admis, dans le Globe and Mail, qu’on pouvait notamment y reconnaître l’industrie des sables bitumineux albertains. « Mon impression est que de parier sur l’une des formes les plus coûteuses et les plus polluantes de pétrole est, pour une compagnie ou un pays, tout un risque, quand on voit où se dirigent les technologies et les forces du marché dans l’économie mondiale. »



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