La solution pourrait reposer sur une certaine tolérance envers les OGM

La contamination croissante des cultures de maïs et de canola biologiques par des organismes génétiquement modifiés (OGM) place ses producteurs devant un important dilemme. Doivent-ils réclamer un assouplissement de la norme biologique pour permettre une faible présence d’OGM ou poursuivre malgré tout leur quête de pureté ?
« L’idéal, ce serait zéro OGM, mais je pense qu’il ne faut pas rêver en couleur. On est quand même en Amérique du Nord », se résigne le président de la Fédération d’agriculture biologique du Québec, Gérard Bouchard. Il évoque la possibilité de faire passer le seuil de tolérance envers les OGM de zéro à moins de 1 %.
Des rencontres ont déjà eu lieu avec les gardiens fédéraux de la norme biologique et des consultations publiques sont prévues au cours des prochains mois pour tâter le pouls des producteurs bio. Parce que pour le moment, il ne bat pas au même rythme partout.
« Si on permet un certain pourcentage dans la norme, on se tire dans le pied parce qu’on ouvre la porte à un bordel total, lance la directrice générale de la Coop Agrobio, Maude Forté. Il ne faut pas hausser le niveau de la norme, il faut plutôt travailler avec l’industrie pour réduire la contamination. » Elle est consciente que le défi est grand, mais est également convaincue qu’une ouverture aux OGM « dénaturerait la certification biologique ».
Pour sa part, Jacques Dallaire, de la ferme Tournevent, est ambivalent. Il croit qu’il faut d’abord avoir un portrait d’ensemble, connaître l’ampleur de la contamination par les OGM avant d’imposer une nouvelle norme à l’aveuglette. « Si on met une norme et que personne n’est en mesure d’y répondre, qu’est-ce qu’on a gagné ? » se demande-t-il, craignant au passage les effets pervers d’un changement à la réglementation. « Avec une nouvelle norme, on accepterait d’entrée de jeu qu’il y aura contamination, ce qui veut dire qu’on ne pourrait pas demander de nous fournir de la semence non OGM parce qu’on est prêts à ouvrir la porte. »
« Est-ce qu’on doit abdiquer ?, poursuit-il. Je pense que non. »
Solutions possibles
Pour éviter la dilution de la norme biologique, plusieurs solutions sont évoquées. Il y a cette idée de régions exemptes d’OGM évoquée par M. Bouchard. Un groupe de travail composé de membres de la filière biologique canadienne a également proposé de forcer les producteurs d’OGM à assumer la responsabilité de la contamination et de créer un fonds financé par l’industrie de la biotechnologie qui permettrait de compenser les dommages subis par les producteurs contaminés.
Et il y a le projet de la coop Agrobio, qui pourrait faire des petits. Maude Forté et son équipe ont semé cette année du maïs à pollinisation « ouverte ». Contrairement à la semence « hybride », conçue pour n’être utilisée que pour une seule récolte, la semence à pollinisation « ouverte » permet au producteur de réutiliser les graines l’année suivante. « Un producteur qui est relativement isolé dans sa région peut semer son maïs, le récolter et le ressemer l’été suivant, ce qui fait que la population de maïs s’adapte à sa région et que le producteur augmente son autosuffisance ».
Vérifications faites, les semences employées sont sans OGM. Mme Forté saura à la fin des récoltes si son maïs a tenu le coup, ou s’il a été contaminé au fil des mois. Et si tout se déroule comme prévu, la coop aura non seulement réussi à produire du maïs biologique ; elle pourra distribuer des semences parfaitement exemptes d’OGM aux producteurs qui en cherchent désespérément.