Un risque passé sous silence

Le transport de pétrole par convoi ferroviaire a connu une augmentation fulgurante au cours des dernières années.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Le transport de pétrole par convoi ferroviaire a connu une augmentation fulgurante au cours des dernières années.

Un an après la catastrophe innommable de Lac-Mégantic, moins de la moitié des sociétés énergétiques faisant partie du TSX 60 de la Bourse de Toronto citent le recours au transport ferroviaire comme un risque potentiel.

 

Dans une analyse des documents annuels dont Le Devoir a obtenu copie, la Shareholder Association for Research and Education (SHARE) s’étonne de voir que cet aspect n’est pas systématiquement mentionné dans la mesure où un accident peut entraîner des conséquences énormes pour une ville et pour l’entreprise.

 

Selon le rapport, 6 des 13 entreprises énergétiques qui ont été évaluées soulignent le transport ferroviaire comme une source de risque. Alors que Cenovus et ARC Resources en font mention, SHARE signale que Suncor, Enbridge, la Pétrolière Impériale et Encana ne le font pas.

 

Une tragédie terrible

 

« L’accident de Lac-Mégantic est une tragédie terrible pour la ville et un exemple marquant qui démontre que la gestion efficace des pratiques de santé et de sécurité doit être une priorité pour tout gestionnaire d’entreprise », a écrit SHARE.

 

« Un an après la tragédie, nous nous attendions à une reconnaissance universelle, chez les entreprises qui expédient des produits volatils par chemin de fer, qu’il y a des risques à gérer tant pour la santé de ces villes que pour la société elle-même », ajoute le groupe.

 

Axée sur l’investissement responsable, SHARE est une entreprise de services-conseils dont le conseil d’administration est composé de membres issus de régimes de retraite du secteur public, de fondations et de centrales syndicales. Il compte notamment un vice-président du Fonds FTQ.

 

Évaluer la performance

 

En élargissant l’échantillon à 15 sociétés — avec le Canadien National et le Canadien Pacifique —, le groupe de recherche se réjouit que 12 d’entre elles prennent en considération un indicateur de sécurité pour évaluer la performance annuelle du chef de la direction.

 

Cependant, seulement six d’entre elles mentionnent le ou les indicateurs en question. Aucune d’entre elles ne décrit les objectifs de sécurité que ces patrons doivent atteindre pour obtenir une prime.

 

« Certaines entreprises, comme le Canadian National, ont établi des objectifs de sécurité pour leurs activités d’ensemble — ce qui est bien —, mais ceux-ci ne sont pas explicitement liés à des évaluations de performance des patrons », ajoute SHARE.

 

Plus loin dans son rapport, le groupe estime que « l’inclusion d’indicateurs de sécurité dans l’évaluation de la performance des cadres est une façon d’inciter une meilleure gestion des enjeux de sécurité ».

 

Mode de transport populaire

 

Le transport de pétrole par convoi ferroviaire est en croissance spectaculaire depuis quelques années.

 

Selon les récentes données de l’Office national de l’énergie, les exportations canadiennes par train ont atteint 14,4 millions de barils au premier trimestre de 2014 (janvier-mars). C’est dix fois plus qu’à la période correspondante de 2012, lorsque les producteurs canadiens avaient exporté 1,4 million de barils.

 

L’accident de Lac-Mégantic a braqué l’attention sur les wagons-citernes DOT-111. Ottawa a annoncé en avril qu’ils ne pourront plus transporter de produits dangereux en 2017, à moins d’être renforcés ou munis de boucliers à l’avant.

 

Au mois de juin, la présidente du Bureau de la sécurité des transports a exhorté le gouvernement américain à adopter la même position pour les vieux wagons-citernes.

 

« Les marchandises dangereuses occupent une place importante dans notre mode de vie et constituent un marché significatif pour nous », a récemment affirmé le président du CN, Claude Mongeau, dans un discours devant la Chambre de commerce d’Edmonton. « Pour cette raison, nous savons que nous avons l’obligation évidente de transporter ces produits de manière sécuritaire. C’est fondamental à l’économie et au cadre social permettant au CN d’exercer ses activités. »

 

Le CN a notamment l’intention d’éliminer son parc de wagons DOT-111 transportant à ses terminaux le diesel utilisé dans ses locomotives.

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