Les syndicats veulent «remettre les pendules à l’heure»

Estimant que l’industrie de la construction a été suffisamment « salie » et « bashée » dans les derniers mois, les cinq syndicats qui représentent les travailleurs de la construction demandent la tenue d’états généraux sur cette industrie. Pour l’Association de la construction du Québec (ACQ), ce n’est là qu’une tentative de diversion de la part de syndicats qui refusent de négocier.
« Ce serait mentir de dire que tout ce qui s’est passé et dit sur notre industrie ne nous touche pas, a indiqué mardi le porte-parole de l’Alliance syndicale, Yves Ouellet [directeur général de la FTQ-Construction]. Alors, si des états généraux peuvent remettre en contexte beaucoup de choses qui se sont dites là — parce que l’industrie a été beaucoup “bashé” et salie dans les dernières années —, si ça peut aider, ben tant mieux. »
La demande est adressée à la ministre du Travail, mais l’Alliance souhaite que chaque parti politique s’engage à y répondre positivement durant la campagne électorale qui doit s’amorcer ce mercredi.
Interrogé pour savoir s’il y a derrière cette demande une volonté de redorer le blason de l’industrie, M. Ouellet répond en parlant de « remettre les pendules à l’heure ». L’Alliance aimerait que ces états abordent les questions du travail au noir, de la santé et sécurité au travail, de la productivité, de la planification et de l’organisation du travail. L’épineuse question de la mobilité provinciale serait aussi au menu.
Selon les cinq organisations, ces problèmes de fond ne peuvent être réglés lors d’une négociation de convention collective. C’est pourquoi elles veulent s’asseoir avec les associations patronales pour discuter sous l’égide du ministère du Travail. Ce ne serait pas une consultation tous azimuts.
Diversion?
Cette demande de l’Alliance survient alors que les syndicats viennent tout juste de reprendre les négociations avec l’ACQ pour renouveler les conventions collectives des secteurs institutionnel, commercial et industriel (IC-I, soit quelque 77 000 travailleurs). Ces secteurs n’avaient pas réussi à conclure d’entente l’été dernier, contrairement aux secteurs résidentiel, génie civil et voirie.
La loi spéciale (54) adoptée l’an dernier par le gouvernement viendra à échéance le 30 juin. Elle forçait la fin d’une grève de deux semaines dans le secteur de la construction, conflit qui a coûté des dizaines de millions à l’économie québécoise. La loi prévoyait une majoration de 2 % des salaires des employés visés.
Pour la négociatrice en chef de l’ACQ, la sortie de l’Alliance ne vise qu’à faire diversion. « C’est la preuve qu’ils ne veulent pas négocier, estime Lyne Marcoux. Ils utilisent l’idée d’états généraux comme faux-fuyant. »
Les deux parties n’ont repris les négociations qu’en février, soit sept mois après l’imposition de la loi. Pour le moment, les deux camps ont simplement échangé leurs demandes. « Lundi, les syndicats sont venus nous dire qu’ils ne veulent pas discuter des demandes patronales, indique Mme Marcoux. Ils utilisent maintenant le déclenchement des élections pour demander quelque chose qu’ils auraient pu demander il y a longtemps et qui n’a rien à voir avec la négociation. »
Selon elle, cette attitude et la sortie de mardi indiquent qu’il y a une « rupture des négociations, même si ce n’est pas une rupture physique ». Yves Ouellet rétorque qu’il n’en est rien.
Les négociations en cours touchent plusieurs points : l’ACQ veut notamment abolir les heures supplémentaires payées à taux double (elle propose le taux et demi) et revoir les paramètres entourant les frais de déplacement et la flexibilité des horaires. « Le temps double, c’est une disposition qui date des Olympiques de 1976, quand il y avait une échéance majeure pour les projets. Le monde du travail a changé depuis », fait valoir Lyne Marcoux.