L'OCDE innocente l'austérité

L’OCDE a systématiquement « sous-estimé la gravité de l’effondrement de l’activité en 2008-2009 » et s’est ensuite montrée « trop optimiste quant au rythme de la reprise de ses dernières années », a-t-elle admis l'organisation.
Photo: Agence France-Presse (photo) Joël Saget L’OCDE a systématiquement « sous-estimé la gravité de l’effondrement de l’activité en 2008-2009 » et s’est ensuite montrée « trop optimiste quant au rythme de la reprise de ses dernières années », a-t-elle admis l'organisation.

Contrairement au Fonds monétaire international, l’Organisation de coopération et de développement économiques ne croit pas avoir sous-estimé l’impact sur l’économie des politiques d’austérité autant que le degré d’interdépendance des pays et la lenteur des autorités européennes à agir dans leur crise des dettes souveraines.

 

L’OCDE a systématiquement « sous-estimé la gravité de l’effondrement de l’activité en 2008-2009 » et s’est ensuite montrée « trop optimiste quant au rythme de la reprise de ses dernières années », a-t-elle admis mardi dans un rapport d’une quinzaine de pages. Ses prévisions du mois de mai pour l’année suivante ont surévalué le véritable taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) de ses pays membres de 2,6 points de pourcentage par année entre 2007 et 2009, soit, par exemple, l’équivalent de la différence entre une économie en belle croissance (+ 2,6 %) ou en stagnation (0 %), ou encore entre une croissance modeste (+1,6 %) et une récession (- 1 %). Les espoirs de croissance que faisait miroiter l’OCDE de 2010 à 2012 ont aussi été déçus, avec un déficit plus modeste de 0,3 point de pourcentage, pour une surestimation moyenne de 1,4 point par année pour l’ensemble de la période de 2007 à 2012.

 

L’écart entre les prévisions et la réalité s’est révélé particulièrement marqué pour les pays de la zone euro au coeur de la crise des dettes souveraines, à savoir la Grèce, l’Irlande, l’Italie, le Portugal et l’Espagne, pour lesquels le manque à gagner moyen a avoisiné 2,5 points de pourcentage par année durant l’ensemble de la période. Cet écart moyen a été beaucoup moins prononcé dans les autres pays européens (environ 1,5 point) et le reste des pays de l’OCDE (environ 1 point).


Pas la faute de l’austérité

 

Le trop grand optimisme des prévisions économiques de l’OCDE a été particulièrement important dans les pays les plus ouverts au commerce international et dont les actifs bancaires sont le plus détenus par des institutions étrangères, constate le rapport. Il semble bien, en effet, qu’on n’ait pas suffisamment « pris en considération la mondialisation croissante de l’activité réelle et financière avant la crise, qui avait accru la probabilité d’une transmission de chocs économiques et financiers aux différents pays et marchés ». Les pays présentant la réglementation du marché du travail et de produits la plus stricte, ainsi que ceux dont les banques affichaient les réserves d’actifs les plus faibles, ont aussi rebondi moins vite qu’on le croyait.

 

Contrairement au Fonds monétaire international (FMI) l’année dernière, l’OCDE se défend bien d’avoir sous-estimé l’impact des politiques d’austérité des gouvernements. Ce facteur n’expliquerait, à la limite, qu’une petite partie des erreurs commises pour une seule année (celle de 2010 à 2011) et n’est plus « statistiquement significatif » aussitôt qu’on retire la Grèce de l’échantillon.

 

L’OCDE ne croit pas non plus qu’une possible sous-estimation de l’ardeur qu’allaient mettre les gouvernements dans ces mêmes politiques d’austérité soit une meilleure explication.

 

De toutes les actions des pouvoirs publics, dit l’OCDE, celle qui a le plus déjoué ses prévisionnistes serait plutôt l’extraordinaire lenteur des Européens et de leur banque centrale, durant leur crise des dettes souveraines, à convenir d’un moyen de réduire les écarts de taux d’intérêt réclamés par les marchés pour les titres de dettes des pays en difficulté par rapport aux autres.


Le choeur des experts

 

Dans une étude qui allait faire beaucoup de bruit, l’économiste en chef du FMI, Olivier Blanchard, avait admis, il y a un an, que les experts — de son institution, comme de l’OCDE et de la Commission européenne — avaient systématiquement sous-estimé l’impact négatif des politiques d’austérité sur la croissance économique. Selon ses calculs, on avait généralement estimé que, pour l’équivalent de 1 $ de compression des dépenses ou d’augmentation des revenus par les gouvernements des pays développés, il fallait s’attendre à un recul de 50 ¢ de leurs économies. Or, ces « multiplicateurs budgétaires » auraient plutôt été du double, voire du triple, soit de 90 ¢ à 1,70 $.

 

« L’OCDE n’a pas sous-estimé les multiplicateurs budgétaires, a rétorqué mardi son économiste en chef, Pier Carlo Padoan. En réalité, c’est l’hypothèse maintes fois reprise selon laquelle la crise de l’euro finirait pas se dissiper et les écarts de rendement des obligations souveraines par se resserrer qui a constitué la source d’erreur la plus importante. »

 

L’OCDE dit avoir déjà tiré des leçons de l’expérience et commencé à changer certaines de ses façons de faire. On promet, entre autres, d’accorder plus d’importance à l’impact des marchés financiers sur l’économie réelle et de mieux tenir compte des facteurs pouvant bouleverser le cours des choses. Il faudra aussi savoir se montrer plus méfiant, dit-on, la prochaine fois que tous les grands prévisionnistes diront la même chose.

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