Ottawa est accusé de détournement de fonds

Environ 150 personnes issues des réseaux québécois de la coopération internationale ont profité du passage du ministre canadien du Commerce extérieur pour manifester leur désaccord avec la nouvelle politique gouvernementale qui assujettit l’aide aux pays en voie de développement aux retombées que ce soutien peut avoir sur les entreprises canadiennes.
Photo: Annik MH de Carufel - Le Devoir Environ 150 personnes issues des réseaux québécois de la coopération internationale ont profité du passage du ministre canadien du Commerce extérieur pour manifester leur désaccord avec la nouvelle politique gouvernementale qui assujettit l’aide aux pays en voie de développement aux retombées que ce soutien peut avoir sur les entreprises canadiennes.

Plusieurs intervenants des réseaux québécois de la coopération internationale et du syndicalisme ont dénoncé lundi ce qu’ils considèrent comme un détournement, au profit d’entreprises canadiennes, de fonds publics destinés à combattre la pauvreté dans les pays moins développés.

 

Environ 150 membres de ces réseaux ont profité du passage du ministre du Commerce extérieur fédéral, Edward Fast, pour critiquer les coupes de 370 millions survenues en 2012-2013 dans le budget de l’aide au développement et la façon dont cette aide est aujourd’hui attribuée.

 

Dans son communiqué, l’Association québécoise des organisations de coopération internationale (AQOCI) appuie notamment ses critiques sur le dernier rapport du vérificateur général, qui note que « la démarche employée par le gouvernement ne permettait pas aux décideurs de savoir dans quelle mesure étaient satisfaites deux des conditions fondamentales énoncées dans la Loi sur la responsabilité en matière d’aide au développement officielle : la prise en considération des points de vue des pauvres et la compatibilité avec les normes internationales en matière de droits de la personne ».

 

« Nous croyons au commerce international, mais il ne faut pas mélanger la solidarité internationale et le développement du secteur privé à but lucratif », a expliqué Denis Labelle, président de l’AQOCI, notant, à titre d’exemple, que « des fonds qui devraient aller à la solidarité internationale ont servi à former des employés pour des sociétés minières ».

 

Les intervenants ont également reproché au gouvernement Harper de couper les fonds de plusieurs organisations de coopération internationale existants au profit soit d’entreprises canadiennes exerçant des activités à l’étranger, soit d’organisations religieuses de l’Ouest canadien qui font du prosélytisme.

 

Le vice-président de la Confédération des syndicats nationaux, Jean Lacharité, a de son côté critiqué le refus du gouvernement Harper de dialoguer avec les organismes de coopération internationale et, notamment, avec ceux qui ont des liens avec les mouvements syndicaux.

 

Mis au courant de la tenue d’une manifestation devant l’hôtel du centre-ville où il prenait la parole, le ministre Fast a brièvement rejeté les arguments de ses détracteurs. « Je peux vous assurer que le Canada continuera à promouvoir une politique de paix et de sécurité robuste et à jouer un rôle humanitaire ambitieux, tout en nous assurant que les impératifs économiques du Canada deviennent un élément central de notre politique extérieure », a-t-il plaidé.

 

Edward Fast avait été invité par le Conseil des relations internationales de Montréal pour exposer la « stratégie du Canada sur les marchés mondiaux ».

 

« Quand les entreprises canadiennes réussissent à l’étranger, ce sont tous les Canadiens qui en profitent », a-t-il affirmé. Le ministre a souligné les bénéfices des nombreux traités de libre-échange déjà signés par le Canada, écorchant au passage l’opposition néodémocrate pour son retard à prendre position sur le pacte conclu récemment avec l’Union européenne.

 

Il a rappelé que les « activités liées au commerce » représentent quelque 60 % du produit intérieur brut et qu’un emploi sur cinq en dépend. Il a également indiqué que la région de l’Asie-Pacifique constituait une « grande priorité » aux yeux de son gouvernement. Les pays de cette région, dont le Canada, envisagent de constituer une vaste zone de libre-échange. Entre-temps, Ottawa est en pourparlers avec le Japon, la Corée du Sud et l’Inde en vue de conclure des traités bilatéraux.

 

Edward Fast a par ailleurs invité les petites et moyennes entreprises à être plus présentes sur les marchés internationaux.

 

Il a également souligné la signature l’an dernier d’une dizaine d’ententes bilatérales sur la protection des investissements, et l’intention du gouvernement d’en signer d’autres, notamment en Afrique, un continent où la croissance économique est particulièrement forte et où les entreprises canadiennes sont très présentes dans les industries extractives et la construction d’infrastructures.

 

Le Canada, comme plusieurs autres pays industrialisés, n’a toujours pas porté le montant de son aide au développement à 0,7 % de son revenu national brut (RNB) comme le proposait en 1969 son ancien premier ministre, Lester B. Pearson. Cette aide se chiffre plutôt à 0,26 % du RNB à l’heure actuelle.

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