Québec veut mener des enchères avec la Californie
La première vente aux enchères de droits d’émission de carbone est un « succès », affirme le coordonnateur de l’opération au ministère de l’Environnement, dont l’équipe veut dès cette année organiser des enchères conjointes avec la Californie.
Le Québec est l’une des deux juridictions en Amérique du Nord à avoir mis sur pied un système de plafonnement et d’échange autour des émissions de carbone. Après une première vente aux enchères en décembre 2013, l’année 2014 en comptera quatre.
« Les droits d’émission que le Québec et la Californie auront à vendre seront mis en vente d’un seul bloc, et les entreprises des deux endroits pourront miser en même temps », dit en entrevue Jean-Yves Benoit, directeur du marché du carbone au ministère de l’Environnement et du Développement durable.
« Il reste un peu de travail au plan technique pour la plateforme. On travaille avec un système informatique financier et il y a plusieurs millions de dollars en jeu, alors il faut que tout fonctionne très, très bien avant même de tenir une première enchère conjointe », ajoute-t-il.
Notion de coût
Afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre, le système consiste à introduire dans le modèle d’affaires des entreprises une notion de coût pour les émissions de carbone.
Par décret gouvernemental, Québec a établi des plafonds annuels d’émission de carbone pour chacune des années de 2013 à 2020. Les entreprises visées, parmi lesquelles figurent des papetières, des alumineries et des raffineries, reçoivent des droits gratuitement. Mais si jamais leurs émissions dépassent la quantité de droits reçus, elles devront acheter des droits lors des ventes aux enchères.
S’il s’avère qu’elles ont réduit leurs émissions pour une année donnée, les entreprises peuvent alors vendre leurs droits non utilisés, ce qui constitue un incitatif financier. (Le premier bilan des années 2013 et 2014 aura lieu dans la deuxième moitié de 2015.)
« On force un peu les entreprises à internaliser les coûts environnementaux. Depuis le 1er janvier 2013, il y a un coût associé à l’émission d’une tonne de gaz à effet de serre », dit M. Benoit. Une société qui n’aura pas les droits suffisants pour couvrir ses émissions aura deux options : investir pour réduire les émissions de carbone ou acheter des droits sur le marché. « Il y a donc un avantage à poser le bon geste environnemental. »
Il aurait pu y avoir quatre enchères en 2013, mais il n’y en a eu qu’une seule, en décembre. Tous les droits d’émission pour l’année 2013 ont donc été mis en vente d’un seul coup au lieu d’être répartis également en quatre séances. Lors de l’enchère, environ le tiers des crédits pour l’année 2013 ont été achetés et le prix de vente final s’est chiffré à 10,75 $ la tonne, soit le prix plancher.
« La plateforme a été développée en anglais et pour la Californie, dit Jean-Yves Benoit. Étant donné que notre clientèle est francophone, il a fallu une traduction. Et on a voulu s’assurer qu’il n’y ait aucun problème technique. C’est la raison pour laquelle il n’y a eu qu’une seule enchère en 2013. »
Et c’est probablement ce qui explique que tous les droits n’ont pas été vendus, dit-il. « La quantité mise en vente a été quatre fois plus élevée qu’elle aurait dû être. Aussi, 2013 n’a pas été facile pour le secteur manufacturier. »
Il se pourrait aussi que les entreprises québécoises aient attendu la liaison officielle du marché avec celui de la Californie, ce qui a été fait au 1er janvier 2014.
Investir ou non
Pour l’instant, les entreprises ont encore presque deux ans pour décider de la pertinence d’acheter des droits, du moment idéal pour en acheter, etc. « C’est en 2015, après la fin de la première période de conformité, que les compagnies vont devoir remettre au gouvernement les droits d’émission pour couvrir les années 2013 et 2014 », dit M. Benoit.
« En ce moment, peut-être que les compagnies, au lieu d’acheter des crédits, investissent pour réduire leurs émissions, et les allocations qu’elles reçoivent gratuitement seront suffisantes pour couvrir leurs émissions. »
Les unités 2013 qui n’ont pas trouvé preneur lors des enchères de décembre pourront éventuellement être remises en vente.
Les entreprises du Québec ne sont pas récalcitrantes au système, ajoute-t-il. Au contraire. « On a une bonne réception de leur part. Le système de plafonnement et d’échange leur donne de la flexibilité et la possibilité d’aller au-delà de la réglementation et d’en tirer un bénéfice, ce que la réglementation traditionnelle n’offre pas. Et ça, c’est apprécié. »
Le ministère espère par ailleurs que la Bourse de Montréal, dont la société mère surveille la situation de près, va redevenir un acteur du marché comme elle avait proposé de le faire il y a quelques années. La Bourse avait alors inscrit des contrats à terme, mais elle a dû mettre fin à ses efforts car le gouvernement fédéral n’a jamais mis en place un cadre réglementaire.