Près de la moitié de l’investissement sera financé par les fonds publics

Gaspé – Une nouvelle cimenterie verra le jour à Port-Daniel, en Gaspésie, dans le cadre d’un projet évalué à 1 milliard qui bénéficiera d’une importante aide financière publique.
La seule construction du projet, qui devrait débuter ce printemps, se poursuivre pendant deux ans et coûter 800 millions, devrait entraîner la création de quelque 2300 emplois. Une fois terminée, la cimenterie fera travailler environ 400 personnes, ce qui implique 200 emplois directs.
Le projet prévoit également l’investissement de 200 millions dans les infrastructures de réception et de distribution de ciment. Il est piloté par Ciment McInnis, une propriété de la société d’investissement Beaudier, que dirige l’homme d’affaires Laurent Beaudoin.
Le gouvernement Marois injectera 250 millions sous forme de prêt garanti avec intérêts. Québec sera en outre un partenaire investisseur de la cimenterie par l’entremise d’une participation de 100 millions de la part d’Investissement Québec.
« C’est un projet qui va créer des emplois ici, pour la région, qui va avoir des retombées aussi en termes de commerce extérieur parce que l’idée est d’exporter le ciment qui se produira ici », a expliqué la première ministre Pauline Marois lors de l’annonce officielle du projet. « Nous avons fait tous les calculs nécessaires : nous aurons des rentrées fiscales de l’ordre de 130 millions sur 20 ans, pour un coût estimé au plan budgétaire de 108 millions. Nous sommes donc gagnants. Et je ne parle que des rentrées fiscales, évidemment, je ne parle pas des emplois créés. »
La Caisse de dépôt et placement du Québec ajoutera pour sa part un montant de 100 millions dans le projet, sous forme de capital-actions. « Les besoins en infrastructures aux États-Unis sont énormes », a noté le président de la Caisse, Michael Sabia, présent lors de l’annonce. « On les évalue à 3600 milliards de dollars d’ici 2020 […] C’est donc ce marché, plein de potentiel, que vise la cimenterie McInnis. »
Le reste du financement proviendra d’un syndicat bancaire dirigé par la Banque Nationale.
Le site de Port-Daniel a été choisi en raison de ses réserves de calcaire et de sa proximité par rapport aux voies maritimes. Lorsqu’elle sera en fonction, la cimenterie devrait produire 2,2 millions de tonnes de ciment, une quantité qui pourrait éventuellement grimper à 2,5 millions de tonnes. Il est prévu que la plus grande partie de cette production soit exportée.
Projet contesté
Ce projet à Port-Daniel mijote depuis plus de 20 ans. Sa planification avait débuté en 1998 mais avait cessé en raison d’un soutien financier insuffisant. L’annonce de vendredi a été bien accueillie dans cette région du Québec où le taux de chômage est particulièrement élevé.
Toutefois, plusieurs acteurs de l’industrie du ciment ont critiqué l’aide financière gouvernementale accordée qui, selon eux, pourrait menacer d’autres emplois dans la province. L’Association canadienne du ciment croit quant à elle que cette nouvelle cimenterie va saturer le marché de la poudre de ciment.
De son côté, Lafarge, détenue partiellement par Power Corporation, a déjà indiqué que ce projet pourrait entraîner des suppressions d’emplois à ses installations de Saint-Constant. Le chiffre de 150 emplois avait été évoqué, en raison de l’ajout à la surcapacité de production dans l’industrie.
Jeudi, les employés de la cimenterie de Ciment Québec à Saint-Basile manifestaient aussi leur colère devant la décision du gouvernement de participer massivement à ce projet et « d’accorder un sauf-conduit au promoteur en ce qui a trait au processus environnemental normalement exigé pour un tel projet ».
« Cette décision est clairement de nature purement électoraliste et la participation du gouvernement à ce projet s’inscrit en total irrespect de l’industrie cimentière québécoise et de ses milliers d’employés directs et indirects », ont-ils souligné dans un communiqué. Avec des capacités de production installées de l’ordre de 3,7 millions de tonnes de ciment et une consommation provinciale de 2 millions de tonnes, les quatre cimenteries du Québec dégagent des surplus de capacité de quelque 1,7 million de tonnes, dont une partie est écoulée sur les mêmes marchés que ceux ciblés par Ciment McKinnis, ont-ils soutenu.
« Un tel projet, entièrement financé par le privé, ne trouverait pas d’opposition de la part de Ciment Québec. Il s’agirait d’une concurrence à armes égales. Là où le bât blesse sérieusement, c’est que les taxes et impôts payés par Ciment Québec et chacun de ses travailleurs vont servir au gouvernement à créer une concurrence déloyale sans que cela apporte de nouveaux bénéfices à l’économie du Québec », ont-ils martelé.
Le Syndicat des Métallos y voit également de l’électoralisme. Le syndicat avait demandé, mercredi, une rencontre d’urgence avec la première ministre. « Le syndicat craint que l’investissement entraîne des centaines de pertes d’emplois dans des cimenteries déjà existantes », a martelé Daniel Roy, directeur québécois du Syndicat des Métallos.
« Chez les Métallos, on craint notamment pour les quelque 150 travailleurs de Ciment Québec dans la région de Portneuf et les 135 autres chez Ciment Lafarge, à Saint-Constant, ainsi que la cinquantaine de travailleurs affectés à la livraison de béton à Montréal […] Il y a déjà une crise de surproduction à l’échelle mondiale. On connaît des périodes de mise à pied. On ne croit pas les promoteurs lorsqu’ils prétendent viser uniquement le marché extérieur. »
Mme Marois rejeté ces allégations vendredi. Pour sa part, Laurent Beaudoin a précisé qu’il n’existait pas de surcapacité sur la côte est américaine, y voyant une croissance de 8 % appelée à s’accélérer avec la reprise aux États-Unis. Il a également souligné que la nouvelle cimenterie visait également à remplacer 300 000 tonnes importées annuellement au Québec.
Avec La Presse canadienne