La Fed continue de lever le pied de l’accélérateur monétaire

La Réserve fédérale américaine passe outre les mauvaises nouvelles sur le front de l’emploi et les turbulences dans lesquelles ses politiques ont plongé des pays émergents et réduit d’un autre cran ses injections de liquidités aux États-Unis.

 

Comme prévu, la banque centrale américaine a annoncé mercredi la diminution d’un autre 10 milliards par mois du rythme de ses achats d’actifs financiers visant à favoriser l’investissement et l’emploi en exerçant une pression à la baisse sur les taux d’intérêt à long terme. Il a aussi maintenu son taux directeur et outil normal d’intervention à son plancher historique de presque 0 %

 

Le comité de politique monétaire de la Fed (FOMC), qui était présidé pour la dernière fois, cette semaine, par Ben Bernanke, avait annoncé, en décembre, une première réduction de 85 milliards à 75 milliards de son programme d’achats mensuels de titres hypothécaires et de titres du Trésor à long terme. L’annonce d’une nouvelle réduction, cette fois de 75 à 65 milliards, semble confirmer le souhait de la Fed de continuer de lever le pied de l’accélérateur monétaire au même rythme à chacune de ses prochaines réunions jusqu’à l’extinction complète, quelque part d’ici la fin de l’année, de son troisième programme d’assouplissement quantitatif (QE3) qui avait été lancé en septembre 2012.

 

Habituellement marquée par la dissidence d’au moins l’un de ses dix membres votant (souvent celle d’un tenant d’une politique monétaire plus restrictive), la décision du FOMC de mercredi a été approuvée à l’unanimité pour la première fois depuis juin 2011.

 

Emplois ? Pays émergents ?

 

Pratiquement semblable à celui de sa réunion du mois dernier, le bref communiqué du FOMC a souligné que la croissance de l’économie américaine s’est « accélérée », grâce, notamment, à une progression « plus rapide » des dépenses des ménages et des investissements des entreprises. Cependant, on y reconnaît aussi que le marché immobilier a connu un « certain ralentissement », mais surtout que les dernières mesures de l’emploi se sont révélées « mitigées ».

 

Cette toute petite remarque semble faire référence à la mauvaise surprise des plus récentes statistiques officielles qui annonçaient la création de seulement 74 000 emplois aux États-Unis en décembre, soit le plus faible score en trois ans.

 

Le communiqué du FOMC ne dit pas un mot sur la situation extrêmement délicate dans laquelle se trouvent les devises de plusieurs pays émergents, notamment depuis l’annonce de la réduction des injections de liquidités de la Fed.

 

Ce début d’un long et graduel retour à la normale aux États-Unis, mais aussi les signes d’un modeste retour de la croissance en Europe ont enclenché un mouvement de retour vers le dollar américain de l’euro et de la livre britannique chez des investisseurs qui étaient allés chercher de meilleurs rendements ailleurs. Cet exode a notamment forcé les autorités monétaires de l’Inde, de la Turquie, de l’Afrique du Sud et de l’Argentine à se porter à la défense de leurs devises respectives. Ce phénomène n’est pas étranger, non plus, à la récente baisse du dollar canadien sous la barre des 90 ¢US.

 

Retour très lent à la normale

 

La Fed a répété dans son communiqué son souhait de poursuivre la réduction de ses mesures d’assouplissement quantitatif « par étape mesurée au cours des prochaines réunions », tout en précisant que la conduite de cette démarche n’était en rien « prédéterminée » et qu’elle continuerait à s’adapter à la réalité économique américaine. Quant à son taux directeur, à presque 0 % depuis la fin de 2008, elle a réitéré son intention de ne pas l’augmenter avant que les États-Unis soient revenus à un taux d’inflation supérieur à 2,5 % et « bien après » que le taux de chômage sera redescendu sous la barre des 6,5 %.

 

Fait remarquable, la réduction très graduelle de l’injection de liquidités de la Fed n’a pas d’impact à la hausse sur les taux d’intérêt à long terme, bien au contraire, puisqu’elle s’accompagne du retour aux États-Unis des investisseurs et que cette augmentation de la demande se traduit, pour le moment, par une baisse des taux d’intérêt requis pour trouver preneur pour les titres du Trésor américain, notait mercredi Martin Schwerdtfeger, économiste à la Banque TD. En fait, « tant que les malheurs des économies émergentes ne se répercutent pas sur la croissance économique américaine, il y a peu de chances que le FOMC change de cap ».

 

Tout indique que le FOMC continuera à réduire son programme d’injections mensuelles de liquidités à coup de 10 milliards par réunion jusqu’à son extinction complète en octobre, dit Francis Généreux, du Mouvement Desjardins. Quant à son taux directeur, on n’anticipe pas de relèvement avant septembre 2015.

 

Place à Janet

 

Toutes ces décisions ne relèveront toutefois plus de Ben Bernanke, qui cédera, samedi, sa place à Janet Yellen. Ancien conseiller économique du président républicain George W. Bush et expert de la Grande Dépression de 1929, il a été forcé par les événements à apporter de nombreuses innovations à son métier pour réduire autant que possible les dégâts causés par l’éclatement de la bulle immobilière aux États-Unis et l’enchaînement de catastrophes qui a suivi.

 

Économiste de 67 ans et première femme à occuper le siège de président de la Fed, sa successeure a la réputation d’être plus sensible à la partie du double mandat de la banque centrale qui porte sur la création du plus d’emplois possible qu’à celle qui porte sur le contrôle de l’inflation. Elle doit présider sa première réunion du FOMC les 18 et 19 mars.

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