Les pays riches pousseront à la roue de la croissance mondiale

Le rythme de l’expansion économique mondiale devrait s’accélérer au cours des prochaines années.
Photo: Jae C. Hong AP Le rythme de l’expansion économique mondiale devrait s’accélérer au cours des prochaines années.

Nous sommes arrivés à un tournant où les pays riches semblent enfin en mesure de contribuer à la croissance mondiale pour la première fois depuis l’éclatement de la Grande Récession, estime la Banque mondiale.

 

« Pour la première fois en cinq ans, on peut croire qu’une véritable reprise économique est en cours dans les pays à revenu élevé suggérant qu’ils pourront désormais se joindre aux pays en développement en tant que second moteur de la croissance économique mondiale », écrit l’économiste en chef de la Banque mondiale, Kaushik Basu, en avant-propos de la dernière édition de ses Perspectives économiques mondiales, dévoilées mardi.

 

Le rythme de l’expansion économique mondiale devrait s’accélérer au cours des prochaines années, passant d’environ 2,4 % en 2013 à 3,2 % cette année, à 3,4 % en 2014 et à 3,5 % en 2015, prévoit-on. Pour la première fois depuis des années, le gros de cette accélération devrait venir des pays à revenu élevé, dont le taux de croissance passera de 1,3 % l’année dernière à 2,2 % cette année et à 2,4 % les deux années suivantes.

 

Ce redressement des pays riches viendra avec le desserrage graduel du frein qu’y constituaient l’assainissement des finances publiques et l’incertitude entourant l’action publique. Il s’observera particulièrement aux États-Unis, dont l’économie est en modeste expansion depuis déjà dix trimestres et qui, après une décevante croissance de 1,8 % en 2013, devraient passer, cette année, à 2,8 %, puis à 2,9 l’année prochaine et 3 % l’année d’après. Retombée en récession les deux dernières années, la zone euro profitera de l’assainissement de bilan de ses banques pour rebondir un peu avec une petite croissance de 1,1 % cette année, de 1,4 % en 2015 et de 1,5 % en 2016.

 

Menés, encore une fois, par la Chine, les pays en développement gagneront, eux aussi, un peu de vigueur, passant d’un taux de croissance de 4,8 % (7,7 % en Chine) en 2013 à 5,3 % (7,7 % en Chine) cette année, à 5,5 % (7,5 % en Chine) l’an prochain et à 5,7 % (7,5 % en Chine) en 2016. Bien que cela soit environ 2,2 points de pourcentage de moins que ce à quoi ils nous avaient habitués avant la crise, cette croissance ne doit pas être un motif de préoccupation, mais plutôt être considérée comme une « essentielle » modération de leur « insoutenable hypercroissance » passée.


Périlleux retour à la normale

 

Le retour à l’avant-scène économique mondiale des pays à revenu élevé exercera « des forces contradictoires » sur les pays en développement, dit la Banque mondiale. Le phénomène devrait, d’un côté, amener une augmentation du commerce international et de la demande pour les produits exportés par ces derniers, ce qui ne manquerait pas de leur plaire. D’un autre côté, cela amènera les pays riches à engager leurs politiques monétaires ultra-accommodantes dans un retour à la normale.

 

« À ce jour, le retrait progressif des mesures d’assouplissement quantitatif s’est déroulé en douceur, a noté le principal auteur du rapport, Andrew Burns, mais, si les taux d’intérêt devaient augmenter trop rapidement, les entrées de capitaux dans les pays en développement pourraient chuter de 50 % ou plus pendant plusieurs mois et peut-être plonger certains des pays les plus vulnérables dans la crise. »

 

Si tout se passe de manière ordonnée, comme le laissent croire les événements depuis l’annonce, le mois dernier, par la Réserve fédérale américaine (Fed), du début d’une réduction des milliards injectés chaque mois dans l’économie américaine, il est à prévoir que le durcissement des conditions financières n’aurait qu’un impact modeste sur les investissements et la croissance des pays en développement. Le montant des entrées de capitaux devrait y diminuer d’environ 4,6 % du produit intérieur brut à 4,1 %.


Manque de moyens de défense

 

Les choses pourraient toutefois aussi tourner mal, comme l’a montré la réaction désordonnée des marchés financiers, le printemps et l’été dernier, lorsque la Fed a, pour la première fois, laissé entendre qu’elle pourrait commencer à lever le pied de son accélérateur économique et que les investisseurs ont rapatrié en masse leurs capitaux des quatre coins de la planète pour profiter de l’éventuelle remontée des taux d’intérêt aux États-Unis.

 

Selon l’intensité de la réaction des marchés, les entrées de capitaux dans les pays en voie de développement pourraient se réduire d’au moins 50 %, comme l’a évoqué Andrew Burns, voire de 80 %. Les pays les plus vulnérables seraient alors ceux « qui affichent des déficits courants de grande ampleur et une importante dette extérieure, ou qui ont connu une forte expansion du crédit ces dernières années ».

 

Bien que ces problèmes soient généralement moins courants et moins aigus depuis quelques années, la Grande Récession a aussi laissé la plupart des pays avec des déficits budgétaires et des déficits des comptes courants qui réduisent, aujourd’hui, la capacité des économies en développement à déployer « des mesures de relance budgétaire et monétaire du genre de celles qui avaient été mises en oeuvre en réponse à la crise financière mondiale ».

 

Si le pire devait se produire, les pays disposant d’une marge de manoeuvre limitée pourraient ne pas avoir d’autres issues que de resserrer leurs politiques budgétaires pour réduire leurs besoins de financement ou de relever les taux d’intérêt pour attirer davantage de capitaux. À plus long terme, il faudra poursuivre des réformes économiques crédibles afin d’augmenter la confiance des marchés et amorcer un « cycle vertueux » de hausse des investissements.

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