Crédits carbone - Les entreprises boudent l’enchère québécoise

Seulement le tiers des crédits de carbone mis en vente cette semaine lors des premières enchères ont été achetés par des entreprises, a indiqué hier le ministère du Développement durable et de l’Environnement dans le bilan de cette première opération.
La faible demande pour ces crédits, attribués uniquement aux années 2013 et 2016, a fait en sorte que le prix de vente final s’est chiffré à 10,75 $ la tonne, soit le prix plancher.
Pour l’année 2013, Québec a imposé aux entreprises un plafond de 23,2 millions de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre. Environ 20 millions de tonnes ont été attribuées gratuitement et 3 millions ont été soumises aux enchères, dont le tiers a été vendu. (Une unité représente une tonne.)
Pour 2016, 1,7 million des 6,3 millions d’unités ont été vendues. Au grand total, l’opération a permis de lever 24,9 millions de dollars.
« Ça ne m’étonne pas, je prévoyais 10,75 $, ou 11 $ au maximum », a dit Hélène Lauzon, présidente du Conseil patronal de l’environnement du Québec. « Mais c’est difficile de se prononcer » sur une cause précise, a-t-elle ajouté.
Quelques scénarios peuvent expliquer la faiblesse des ventes, selon elle. « Les entreprises sont peut-être en voie de diminuer leurs objectifs de réduction d’émissions et donc n’ont pas besoin d’acheter de crédits », a-t-elle dit. Ou bien elles attendent 2014 pour observer l’évolution du marché, qui sera marqué notamment par l’unification du marché québécois et du marché californien. Ou, encore, c’est la fin de leur année budgétaire et elles hésitent à dépenser.
« La vente aux enchères a généré des revenus conformes à nos attentes », a indiqué dans un communiqué le ministre Yves-François Blanchet. « Le marché fonctionne, et il fonctionne bien. »
« Dès 2014, le gouvernement du Québec tiendra quatre enchères par année. Le nombre d’unités qui sera mis en vente lors des enchères subséquentes sera donc quatre fois moins important qu’il l’a été pour celle-ci. Il était donc prévisible à ce moment-ci que le gouvernement n’écoule pas la totalité des unités d’émission disponibles », a précisé le communiqué.
Le ministère a indiqué que 19 « enchérisseurs qualifiés » ont quand même participé à l’exercice, dont un individu, mais également des sociétés comme Shell, la forestière Tembec, Arcelor-Mittal, Valero (Ultramar), Hydro-Québec, Suncor, les Forges de Sorel et TransCanada Pipelines.
« Je suis un peu déçu, j’aurais aimé un peu plus d’enthousiasme pour les enchères », a dit Pierre-Olivier Pineau, spécialiste des politiques énergétiques à HEC Montréal. « Pour 2016, par exemple, sur les six millions, on a vendu moins du tiers au prix minimum alors qu’on sait qu’à ce moment-là tous les distributeurs d’essence et de gaz naturel vont devoir couvrir leurs activités. »
En guise de comparaison, l’État de la Californie, seule autre juridiction de la Western Climate Initiative à avoir créé un tel système, a vendu il y a deux semaines des crédits au prix moyen de 11,48 $. Le prix plancher était de 10,71 $.
La vente de crédits a également commencé en Chine au cours des dernières semaines, une dépêche de l’agence Reuters indiquant que les premiers échanges s’étaient faits au prix de 8,20 $ par tonne.
En Nouvelle-Zélande, les permis se vendaient cette semaine à 3,62 $. Selon l’agence Reuters, des informations ont prêté au gouvernement l’intention d’introduire un prix plancher de 13,25 $ pour donner un peu de tonus au marché, mais le cabinet du ministre des Changements climatiques a démenti cette rumeur.