Ottawa met sa diplomatie au service des entreprises

Le ministre du Commerce international, Ed Fast
Photo: La Presse canadienne (photo) Sean Kilpatrick Le ministre du Commerce international, Ed Fast

La politique étrangère du Canada se fera maintenant le défenseur du commerce et des entreprises privées du pays sur la scène internationale. Et les diplomates devront revoir leur description de tâches pour s’assurer d’en faire la promotion avant tout.

 

Le ministre du Commerce international avait une annonce pour les agents du service extérieur mercredi : place à la « diplomatie économique ».

 

En vertu d’un virage — entamé il y a quelques années — vers une politique canadienne à l’international à caractère économique, le gouvernement conservateur s’est doté d’un plan de match pour les cinq prochaines années qui recentre sa politique étrangère pour qu’elle soit également au service du secteur privé. Et la stratégie des troupes de Stephen Harper « incorporera le concept de “diplomatie économique” comme force motrice des activités du gouvernement du Canada au sein de son réseau diplomatique international », explique le Plan d’action des marchés mondiaux dévoilé hier par le ministre du Commerce international, Ed Fast.

 

« Suivant ce plan, toutes les ressources diplomatiques du gouvernement du Canada seront mobilisées au nom du secteur privé en vue d’atteindre les objectifs établis dans les principaux marchés étrangers », prévient le document. Et ce sont tous les diplomates — peu importe leur poste ou le pays dans lequel ils sont déployés — qui devront s’affairer à promouvoir le secteur privé canadien à l’étranger et à attirer des investisseurs au pays.

 

« Nous nous assurerons que la prospérité économique du Canada à long terme devienne l’un de nos objectifs centraux en matière de politique extérieure », a résumé M. Fast lors d’un discours prononcé devant l’Economic Club du Canada. Au même titre que la protection des droits de la personne et de la démocratie, par exemple, explique-t-on au gouvernement.

 

Les portefeuilles des Affaires étrangères, du Commerce international et de l’aide internationale sont maintenant harmonisés et, avec cette réforme, tous travailleront vers le même objectif, plutôt que de travailler « en silos », résume-t-on chez les conservateurs.

 

Le plan d’Ottawa cible trois types de marché et dresse pour chacun de ceux-ci la liste de pays (émergents et développés, en Amérique latine, en Europe, en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie-Pacifique) où des secteurs industriels seront ciblés, car le fédéral croit que les entreprises canadiennes pourront y faire des profits.

 

« Dit simplement, nous allons aller là où nous croyons que se trouvera la prospérité future », a résumé le ministre.

 

Au fil du document, et de son discours, le ministre a abondamment cité les petites et moyennes entreprises (PME), visiblement le public cible de cette démarche, qu’Ottawa a d’ailleurs consultées pour préparer sa feuille de route. D’ici cinq ans, le ministre Fast souhaite que 50 % des entreprises canadiennes qui exportent le fassent dans des pays émergents, alors que 29 % d’entre elles le font actuellement. Une croissance qui ferait passer le nombre de sociétés exportant dans ces marchés de 11 000 à 21 000, selon le ministère.

 

Le virage économique au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a débuté dans les dernières années, l’Agence canadienne de développement international (ACDI) s’étant mise à concentrer son aide internationale vers une contribution à portée économique et impliquant le secteur privé canadien.


Inquiétude

 

Mais le chef néodémocrate s’inquiète de voir les conservateurs laisser de côté les discussions de paix pour privilégier l’économie. « L’un n’a jamais empêché l’autre […] Si la diplomatie canadienne est entièrement au solde du secteur privé dorénavant, on a un gros problème », a déploré Thomas Mulcair.

 

Une crainte partagée par son homologue libéral. « La job de nos diplomates, ce n’est pas principalement de défendre les intérêts des entreprises canadiennes, c’est d’être présents et engagés sur bien des niveaux sur la scène internationale et j’ai bien peur qu’une fois de plus, ce gouvernement aura manqué de compréhension quant à l’importance d’une présence internationale équilibrée et forte », a reproché Justin Trudeau.

À voir en vidéo