Pipeline - Le projet d’Enbridge sera étudié en commission parlementaire

Des employés d'Enbridge effectuent des travaux sur la ligne 9B.
Photo: - Le Devoir Des employés d'Enbridge effectuent des travaux sur la ligne 9B.

Le gouvernement péquiste confiera l’étude du projet d’inversion du flux de la canalisation 9B d’Enbridge à une commission parlementaire, a tranché la première ministre Pauline Marois après des mois d’atermoiements. Les élus se pencheront sur le projet de la compagnie albertaine dès leur retour à l’Assemblée nationale à l’aube de l’année 2014, a appris Le Devoir.

 

Le gouvernement compte faire connaître un document de consultation d’ici à la fin de la session parlementaire. « On souhaite que ce soit très bientôt », a spécifié l’attachée de presse de la première ministre, Marie Barrette, vendredi après-midi au Devoir. « Et il y aura une commission parlementaire », a-t-elle ajouté.

 

La décision de saisir l’Assemblée nationale de ce dossier controversé grâce auquel couleraient quelque 300 000 barils de pétrole de l’Ouest à Montréal ne manquera pas de susciter quelques grincements de dents au Conseil des ministres. Plusieurs sources consultées par Le Devoir attribuaient les reports successifs du dévoilement de la forme de la consultation privilégiée par le ministre du Développement durable et de l’Environnement, Yves-François Blanchet, à une mésentente au sein du gouvernement. M. Blanchet fera connaître sa décision « au cours des prochains jours », répétait-on à son cabinet depuis quelques mois. « C’est imminent… »

 

« C’est décevant. Un an de tergiversations pour en arriver à une commission parlementaire », a déploré le responsable de la campagne Climat-Énergie et Arctique de Greenpeace, Patrick Bonin. « On demandait une instance neutre, on a une instance politisée », a-t-il ajouté, s’interrogeant sur l’expertise des élus qui auront la tâche d’évaluer les « impacts environnementaux de ce projet extrêmement complexe et technique » d’approvisionnement en pétrole de l’Ouest des raffineries de Montréal et Lévis.M. Bonin s’expliquait mal vendredi pourquoi le gouvernement n’a pas demandé au BAPE de tirer au clair l’impact environnemental de l’arrivée de 300 000 barils par jour de pétrole de l’Ouest au Québec.

 

Qui plus est, le choix du gouvernement « ne favorise pas la participation des citoyens, selon lui. Les gens devront prendre une journée de congé pour se faire entendre à l’Assemblée nationale », a-t-il affirmé.

 

Le président de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), André Bélisle, tentait encore ces derniers jours de dissuader le gouvernement péquiste de s’en remettre à une commission parlementaire pour préciser la vision gouvernementale sur un accès direct au pétrole de l’Ouest. « Ça prend une consultation populaire, pas juste une consultation parlementaire avec deux, trois invités, et on ferme le dossier, a-t-il fait valoir lors d’un entretien avec Le Devoir. Le ministre doit se lever debout ! »

 

Enbridge se pliera de bonne foi à l’exercice de consultation retenu par le gouvernement Marois « car il ne peut que contribuer à l’acceptabilité sociale ». « Notre condition est que ce processus respecte le calendrier des consultations de l’Office national de l’Énergie afin de ne pas retarder le projet indûment », a souligné vendredi le porte-parole d’Enbridge, Éric Prud’Homme.

 

L’Office national de l’Énergie doit rendre sa décision sur le projet d’Enbridge au début de l’année 2014.

 

Le député solidaire de Mercier, Amir Khadir, a dénoncé vendredi la « complaisance » affichée par le gouvernement péquiste quant au projet d’Enbridge, mais également à celui de TransCanada. Il a réclamé une nouvelle fois « les consultations promises » sur les conséquences environnementales de l’inversion du flux du pipeline 9B d’Enbridge ainsi que son impact sur l’industrie des sables bitumineux.

 

Québec solidaire ne s’oppose pas à l’étude du projet d’Enbridge par une commission parlementaire si celle-ci se voit confier un « mandat large ».

 

D’ici là, il demande au gouvernement péquiste de « se ressaisir en matière de pétrole et d’agir avec cohérence », a indiqué M. Khadir, rappelant du même souffle les promesses du gouvernement de réduire de 30 % la consommation de pétrole d’ici 2020, et de 60 % d’ici 2030.

 

Certificat d’autorisation

 

D’autre part, l’AQLPA s’explique mal le louvoiement du ministre sur la nécessité des raffineries de Montréal (Suncor) ou de Lévis (Valero) de mettre la main sur un certificat d’autorisation délivré par le gouvernement du Québec si elles comptent traiter un pétrole plus polluant. Après un coup d’oeil à la Loi sur la qualité de l’environnement, le ministre Yves-François Blanchet est plus nuancé. « La nécessité d’une autorisation peut aller du décret à rien du tout, en passant par le CA [certificat d’autorisation] et le BAPE [Bureau d’audiences publiques sur l’environnement], pour des aménagements chez Suncor ou Valero. Ça dépend du lieu, d’une part, mais aussi du volume et de la nature du produit raffiné », avait-il souligné dans un courriel au Devoir.

 

L’attitude du ministre Blanchet dans ce dossier est « inacceptable », selon M. Bélisle. « À part certains experts, dans l’appareil gouvernemental, le pétrole, c’est comme de la mélasse, c’est la même affaire pour tout le monde. Nous, on dit : non ! Le jour où on accepte ce pétrole-là [de l’Alberta], on accepte d’utiliser le pétrole le plus polluant pour remplacer le pétrole le plus propre qui est utilisé [en provenance d’Algérie]. On n’est pas condamnés au pétrole de l’Alberta. »

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