L’Europe vole au secours de sa Bourse du carbone


	La Chine, aux prises avec de graves problèmes de pollution atmosphérique, fait aussi l’essai d’une Bourse du carbone.
Photo: Agence France-Presse (photo) Philippe Lopez
La Chine, aux prises avec de graves problèmes de pollution atmosphérique, fait aussi l’essai d’une Bourse du carbone.

Le Parlement européen s’est finalement résolu à poser un geste pour venir en aide à la Bourse du carbone, au coeur de la stratégie européenne contre les changements climatiques et en chute libre depuis la crise économique.


La proposition de reporter la mise en vente de nouveaux droits d’émission de gaz à effet de serre équivalant à 900 millions de tonnes a été adoptée de justesse par 344 voix contre 311 et 46 abstentions. La mesure vise à réduire un peu l’offre déjà abondante de ces quotas d’émission et d’en freiner la chute des prix.


La proposition adoptée s’est révélée plus audacieuse que ce à quoi s’attendaient généralement les marchés déjà échaudés par un précédent échec en avril. Elle a amené une remontée du prix de la tonne de carbone de 9 % à 4,70 euros (6,43 $CAN).


La mesure avait fait l’objet d’intenses pressions de part et d’autre. Proposée par la Commission européenne, elle était appuyée par les ministres de l’Environnement de 12 États membres, dont la France, le Royaume-Uni, l’Italie, les Pays-Bas et l’Allemagne, de même que par certaines grandes entreprises, telles que Shell, E.ON, ENEL, Unilever et IKEA. Elle était combattue par les industries les plus énergivores et les pays où elles sont plus fortement représentées, comme la Pologne et la République tchèque, pour qui l’économie européenne se porte déjà assez mal sans qu’on cherche à renchérir le coût de l’énergie. À la veille d’élections générales cet automne, l’Allemagne apparaissait encore plus divisée, son ministre de l’Environnement étant en faveur et son collègue de l’Économie contre.


La décision a été interprétée comme un geste important, mais symbolique. Il fallait « arrêter l’hémorragie causée par l’effondrement du prix du carbone pendant qu’on se penche sur les enjeux de fond », a déclaré la commissaire européenne au Climat, Connie Hedegaard. « Mieux vaut la mise sous respiration artificielle que la mort clinique », a commenté le député vert français Yannick Jadot.


Coeur de la stratégie


Le système de Bourse du carbone est au coeur de la stratégie européenne de réduction de gaz à effet de serre à l’horizon de 2020, et même la seule initiative véritablement commune à tous. Elle vise à mettre la logique des marchés au service de l’environnement en attribuant aux entreprises une quantité limitée de droits d’émission de GES destinée à diminuer avec le temps.


L’idée est de placer les pollueurs devant un choix : pour croître, soit ils réduisent leurs émissions, soit ils achètent à d’autres leurs droits d’émission. La logique économique veut que les entreprises pour lesquelles les coûts de réduction sont les plus faibles en profiteront pour vendre leurs crédits d’émission aux autres. Elle veut aussi que la valeur de ces crédits augmente avec la croissance économique, constituant un puissant incitatif financier à la mise au point de méthodes de production moins polluantes.


La mise en circulation d’un trop grand nombre de droits d’émission et l’effondrement de la croissance économique européenne ont toutefois amené une surabondance de quotas de CO2, ce qui en a fait chuter le prix. Encore à 30 euros à la veille de la Grande Récession après avoir atteint un sommet de 32 euros en 2006, le prix de ces quotas est tombé aussi bas que 2,75 euros après l’échec du vote d’avril. Selon les experts consultés, le prix du quota doit être entre 20 et 50 euros pour convaincre les entreprises de chercher des sources d’énergie moins polluantes. La mesure votée par le Parlement européen mercredi pourrait ramener ce prix entre 7 et 15 euros, selon les experts cités.


De l’Europe au Québec


Des « réformes structurelles » seront donc nécessaires, plaident les défenseurs du système européen. Selon certains observateurs, il faudra réduire les droits d’émission en circulation, non pas de 900 millions de tonnes, mais de 2 milliards de tonnes. D’autres voudraient qu’on élargisse la palette d’entreprises soumises à ce marché.


Il faudra commencer par s’assurer que la mesure votée mercredi sera aussi adoptée par tous les gouvernements de l’Union européenne, ce qui ne sera sûrement pas fait avant les élections générales allemandes, cet automne, et probablement pas avant 2014, préviennent les observateurs.


L’expérience européenne de Bourse du carbone suscite beaucoup d’intérêt ailleurs dans le monde. La Chine, l’Australie, le Japon, la Nouvelle-Zélande, la Corée du Sud et la Californie en font chacun l’essai à leur façon. En Californie, les quotas ont un prix plafond et un prix plancher et se vendaient 14 $US au début du mois.


Le Québec doit aussi avoir sa Bourse du carbone à partir du 1er janvier. Le gouvernement de Pauline Marois compte là-dessus pour réaliser plus de la moitié des réductions de GES promises en campagne électorale, soit 25 % moins d’émissions de CO2 en 2020 qu’en 1990.


 

Avec l’Agence France-Presse, Bloomberg, The Economist, The Guardian et The New York Times

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