Les salariés allemands veulent passer à la caisse

À Munich, des voyageurs prennent connaissance des vols annulés au tableau des départs.
Photo: Agence France-Presse (photo) Christof Stache À Munich, des voyageurs prennent connaissance des vols annulés au tableau des départs.

Berlin — Dans les aéroports, à la poste, bientôt dans la métallurgie : les grèves se multiplient en Allemagne ce printemps pour de plus hauts salaires, au moment où Berlin est sous la pression de ses partenaires pour relancer la croissance.


Le personnel au sol de Lufthansa veut 5,2 % de salaire en plus, les postiers ont demandé une hausse de 6 %, les 3,7 millions de métallos un plus de 5,5 %. Les premiers ont cloué au sol les avions de la première compagnie européenne lundi, les seconds ont fait grève par intermittence pendant plus d’une semaine. Ils ont conclu un accord vendredi à l’aube qui verra les salaires grimper de 3,6 % au 1er août puis 2,6 % au 1er octobre 2014.


Quant aux métallos, ils prévoient des grèves dès la semaine prochaine. Particulièrement dans la métallurgie - un secteur fourre-tout dont l’accord a valeur de test pour toute l’industrie - des grèves d’avertissement font partie du jeu ritualisé des négociations de branche entre le syndicat IG Metall et le patronat.


Alors que l’Allemagne va mieux que ses partenaires européens et se plaît à le faire savoir - elle est « un succès et un pôle de stabilité en Europe », a claironné jeudi le ministre de l’Économie, Philipp Rösler -, les syndicats se montrent particulièrement combatifs. D’autant plus que les salariés allemands ont subi des années de restriction qui ont stimulé la compétitivité du pays. Les entreprises ont « des carnets de commandes et des bénéfices stables ou en croissance », argumente Knut Giesler, responsable régional d’IG Metall en Rhénanie du nord-Westphalie. « Il doit donc y avoir un plus confortable pour les salariés, seule une hausse forte des revenus donnera une nette impulsion à la croissance, en Allemagne et en Europe », selon lui.

 

Appels du pied des partenaires de Berlin


L’argument est utilisé par d’autres en dehors d’Allemagne. Le secrétaire américain au Trésor, Jacob Lew, est récemment venu faire des appels du pied à Berlin pour une relance de l’économie par la consommation. Quelques jours plus tard le ministre français Arnaud Montebourg a plaidé en Allemagne pour des salaires plus hauts. Vendredi, dans les colonnes de Die Welt, le commissaire européen Olli Rehn, pourtant un grand ami du modèle allemand, reconnaissait qu’« un renforcement de la demande intérieure » contribuerait au « rééquilibrage nécessaire de l’économie de la zone euro - dans l’intérêt même de l’Allemagne ».


Dans leur collimateur, l’absence de salaire plancher en Allemagne, où les salaires sont traditionnellement négociés branche par branche par les partenaires sociaux. Mais les entreprises peuvent choisir de ne pas se soumettre à ces accords. C’est le cas d’Amazon, dont les salariés allemands doivent se prononcer dans les prochains jours sur des grèves. Les « salaires de dumping » sont dénoncés depuis longtemps, tout comme le fait qu’environ un million d’Allemands soient obligés de compléter leur salaire par des allocations pour joindre les deux bouts. Dans la campagne électorale en cours, les trois partis principaux d’opposition ont inscrit un salaire minimum généralisé de 8,50 euros l’heure à leur programme.


Si la coalition de centre-droit d’Angela Merkel est opposée à un salaire minimum de type Smic - la chancelière y a récemment redit son opposition -, elle encourage l’introduction de salaires minimum par branche.


Cette semaine les coiffeurs sont devenus la treizième branche à en bénéficier. Fixé à 8,50 euros l’heure à compter de 2015, ce salaire plancher mettra du beurre dans les épinards au sein d’une profession où les débutants étaient parfois payés 3 euros l’heure.


L’introduction progressive de ces salaires minimum, couplée à la pression mise par les syndicats dans les négociations au cas par cas, font grimper lentement mais sûrement les revenus des Allemands. Pour cette année, Berlin table sur une hausse de 2,3 % des revenus, et de 2,8 % l’an prochain.

À voir en vidéo