Redevances - L’Association minière du Canada agite le spectre d’une «grande noirceur»

Pierre Gratton, p.-d.g. de l’Association minière du Canada, dénonce « l’instabilité fiscale » du Québec.
Photo: - Le Devoir Pierre Gratton, p.-d.g. de l’Association minière du Canada, dénonce « l’instabilité fiscale » du Québec.

Le climat des affaires s’assombrit au Québec, déplore le président et chef de la direction de l’Association minière du Canada, Pierre Gratton.

De passage à Montréal, Pierre Gratton a tenté de dissuader mercredi le gouvernement péquiste de tirer vers le haut les redevances minières. Ce faisant, l’équipe de la première ministre Pauline Marois pousserait le Québec dans une « grande noirceur » semblable à celle régnant en Colombie-Britannique dans les années 90.


Il a appelé le gouvernement du Québec à dissiper rapidement l’« instabilité fiscale » secouant le Québec, notamment en faisant une croix sur son projet d’augmentation des redevances minières.


Le concert de protestations des acteurs de l’industrie minière, auquel s’est joint M. Gratton, n’a toutefois pas étourdi le gouvernement du Québec. Nicolas Marceau, ministre des Finances et de l’Économie, et Martine Ouellet, aux Ressources naturelles, jugent le statu quo intenable. Ils dévoileront au printemps les nouvelles redevances exigées aux minières.


En « freinant » à coup sûr les investissements au Québec, les modifications au régime d’impôt minier « nuiront aux objectifs mêmes que ces mesures prétendent viser », selon M. Gratton.


« La croissance du secteur minier peut durer encore plusieurs années. Néanmoins, la place du Canada et du Québec n’y est aucunement garantie. La demande en matière première sera comblée et l’offre peut provenir d’ailleurs », a-t-il déclaré à l’occasion d’un déjeuner-causerie organisé par le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM).


Pierre Gratton a exhorté la première ministre du Québec, Pauline Marois, d’examiner la « réalité mondiale » dans laquelle l’industrie minière québécoise évolue. « Les difficultés de l’Europe dureront quelque temps encore. La reprise américaine est lente et fragile. La croissance chinoise ne se situe plus dans les deux chiffres », a-t-il affirmé, soulignant l’importance pour le Québec de gagner en compétitivité.


Le Québec ne pourra profiter pleinement d’un environnement où « la demande va doubler pour la majorité des produits minéraux au cours des 20 prochaines années » si le gouvernement fonce avec ses projets de réforme, a-t-il fait valoir. « Cette croissance ralentira de temps en temps, comme c’est le cas actuellement, mais ne s’éloignera pas beaucoup de la trajectoire prévue. »

 

Des leçons venues de l’Ouest


L’Association minière du Canada invite le gouvernement péquiste à tirer des leçons de l’histoire de la Colombie-Britannique.


« Proche des syndicats », le gouvernement néodémocrate de Mike Harcourt avait adopté la ligne dure avec les sociétés minières à l’aube des années 90 : « hausses de taxes », « nouvelles réglementations environnementales très dures », etc. Mais, c’est l’« expropriation » d’une société minière comptant exploiter une mine à ciel ouvert dans le nord de la province pour créer le parc provincial Tatshenshini-Alsek qui constitue le « symbole de cette période de grande noirceur » aux yeux de M. Gratton. L’industrie minière de la Colombie-Britannique a nécessité une quinzaine d’années pour se remettre du passage du Nouveau Parti démocratique au pouvoir.


« Je vois le début de quelque chose de semblable ici au Québec, a déploré M. Gratton. Le Québec se classait au troisième rang des nouveaux investissements miniers en 2011, mais je crains qu’il ne chute considérablement en raison de l’orientation politique du gouvernement en place. »


Le gouvernement péquiste ne doit pas perdre de vue que la « contribution de l’industrie minière à l’économie québécoise comprend non seulement les redevances, mais aussi des emplois très bien rémunérés, un immense apport indirect et des retombées ».


À sa table, la présidente-directrice générale de l’Association minière du Québec, Josée Méthot, a acquiescé d’un signe de tête.


Un vent de « pessimisme » alimenté par une baisse des prix des ressources naturelles et une augmentation des coûts de production souffle à différents endroits, forçant certains acteurs de l’industrie à repousser des projets majeurs, notamment dans la fosse du Labrador. Ils se sont accordé « une pause responsable », selon M. Gratton.


En 2012, l’industrie minière, responsable de 23 % des exportations canadiennes, a contribué à hauteur de 9 milliards de dollars en taxes et redevances aux différents paliers de gouvernements du pays, selon l’Association minière du Canada. « C’est bien l’industrie minière, par sa solidité et son étendue, qui a permis au Canada de traverser la récente crise économique mieux que tout autre pays du G8 », a-t-il soutenu.


En contrepartie, « la hausse des prix des produits de base a entraîné une augmentation du nationalisme des ressources et davantage de protestations dans les communautés, alors que les sociétés se questionnent sur les meilleurs moyens de gérer et de distribuer une quantité croissante de richesses minérales », a-t-il admis.


Les trois quarts des Canadiens ont néanmoins une perception favorable de l’industrie minière. « Cette proportion est moindre pour les industries forestière, pétrolière et gazière », a fait remarquer Pierre Gratton.


« Pièges du protectionnisme »


Tournant son regard vers Ottawa, le dirigeant du lobby minier a pressé mercredi le gouvernement fédéral à éviter les « pièges du protectionnisme » afin que le monde des affaires canadien reste à l’abri de représailles de gouvernements étrangers.


En décembre dernier, le gouvernement Harper a donné son feu vert à l’acquisition de la pétrolière canadienne Nexen par la China National Offshore Oil Corp (CNOOC) tout en annonçant de nouvelles règles régissant les investissements de sociétés d’État étrangères dans le secteur des hydrocarbures canadiens. « C’est un acte d’acrobatie, a dit M. Gratton. Il ne faudrait pas handicaper le Canada dans la course à l’accès aux marchés émergents en minéraux et en métaux », a-t-il ajouté, rappelant quelques minutes plus tôt que le plus important client de l’industrie minière canadienne est la Chine.


La Chine consomme aujourd’hui environ 40 % des minéraux et des métaux, comparativement à 5 % dans les années 80.

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