Aéronautique: la main-d’oeuvre étrangère en dernier recours

Le ministre des Finances et de l’Économie, Nicolas Marceau, a appelé lundi les acteurs de l’industrie aéronautique à faire « tous les efforts » possibles avant de recourir à la main-d’oeuvre étrangère.
« Il n’est pas question d’utiliser des travailleurs temporaires pour prendre la place de travailleurs québécois qui pourraient occuper les postes », a déclaré M. Marceau en marge de l’assemblée générale annuelle d’Aéro Montréal. « Mais, une fois qu’on a fait tous les efforts, et qu’on manque encore de travailleurs, on peut évidemment utiliser des travailleurs temporaires », a-t-il toutefois ajouté.
Il presse ainsi les Bombardier, Pratt Whitney, CAE, Héroux-Devtek, et compagnie - qui craignent une pénurie de main-d’oeuvre au cours des prochains mois - de faire appel à des travailleurs étrangers seulement en dernier recours. « [Ce] n’est pas une solution permanente », a-t-il répété. Selon le ministre, le « vrai problème » est plutôt le rétrécissement de la population active, notamment accéléré par l’arrivée tardive des jeunes sur le marché du travail ainsi que des départs à la retraite. « Il va falloir s’assurer de ne perdre personne, que ce soit les jeunes qui décrochent trop tôt ou les travailleurs expérimentés qui quittent trop tôt [pour la retraite]. C’est là-dessus qu’il faut agir », a fait valoir M. Marceau.
Pas moins de 5000 postes d’ingénieurs, de techniciens ainsi que de machinistes devront être pourvus au cours de la prochaine année dans le secteur. « Avec le lancement de la CSeries, on va avoir besoin énormément de main-d’oeuvre [pour] la production de ce nouvel avion. La cadence va augmenter en 2013, en 2014 et les années qui suivent », a indiqué la présidente-directrice générale d’Aéro Montréal, Suzanne M. Benoît. « Il y a un besoin urgent. »
Aéro Montréal ne ferme pas la porte à d’éventuels travailleurs étrangers. D’ailleurs, la grappe aérospatiale « travaille main dans la main » avec Montréal International et le Comité sectoriel de main-d’oeuvre en aérospatiale du Québec afin de mettre la main sur des talents étrangers. L’organisation s’engage néanmoins à faire « tous les efforts pour avoir des Québécois prêts à relever ces nouveaux défis dans les entreprises aérospatiales », a-t-elle ajouté.
Mme Benoît a été incapable d’évaluer la proportion de travailleurs de l’extérieur des frontières du Québec qui devront être appelés en renfort. Elle a plutôt profité de la 8e assemblée générale annuelle d’Aéro Montréal pour inciter les jeunes à faire carrière dans le secteur de l’aérospatiale, bien que ce soit « un petit peu cyclique ».
En effet, le pouvoir d’attraction des joueurs de l’industrie est parfois miné par les vagues de mises à pied rapportées au fil des années. « C’est sûr que les parents et les jeunes vont craindre, par exemple, le fait que c’est une industrie cyclique, que parfois il y a des mises à pied. On ne peut pas le nier. […] Parfois, on doit réduire notre main-d’oeuvre, mais elle remonte rapidement », a souligné la vice-présidente Affaires publiques, communication, responsabilité d’entreprise, de Bombardier Aéronautique, Hélène V. Gagnon.
La multinationale recourt de temps à autre à de la main-d’oeuvre étrangère pour répondre à certains besoins circonscrits, a-t-elle fait savoir. Le développement de la CSeries, dont le vol inaugural est prévu en juin, n’y échappera pas. Bombardier Aéronautique « met en place les mesures pour faire en sorte qu’on va développer la main-d’oeuvre ici ». « On travaille ensemble à se préparer pour faire face à ces enjeux-là collectivement, pas au sein de notre entreprise, mais au sein de tout le secteur », a assuré Mme Gagnon.
Hausse de 1,2 % des ventes
« Après trois années tumultueuses », l’industrie aérospatiale a « renoué avec la croissance en 2012 », a indiqué le président du conseil d’administration sortant d’Aéro Montréal, Gilles Labbé.
La dirigeante d’Aéro Montréal, Suzanne M. Benoît, a également invité lundi le gouvernement du Québec à « investir massivement » dans les programmes d’innovation afin de « développer les technologies du futur ».
Les gouvernements seraient d’une grande aide s’ils subventionnaient, par exemple, le chantier de l’automatisation de l’industrie aéronautique. « On sait qu’on ne fera jamais concurrence aux pays à bas coûts, alors, la seule façon pour nous de nous démarquer du point de vue de la compétitivité, c’est d’investir massivement dans la fabrication avancée. […] Toute la chaîne d’approvisionnement québécoise doit être rehaussée du point de vue de l’automatisation », a conclu Mme Benoît.