Une décennie de vaches maigres pour les salariés des pays riches
La croissance mondiale des salaires aurait été pratiquement nulle, depuis le début des années 2000, n’eussent été les pays en voie de développement comme la Chine, constate l’Organisation internationale du Travail (OIT).
Les salaires moyens mensuels ont augmenté d’environ 23 % dans le monde, de 2000 à 2011, une fois l’inflation prise en compte, dit le Rapport mondial sur les salaires de l’OIT dévoilé vendredi. Cette moyenne mondiale cache cependant d’importants écarts entre pays riches et pays pauvres. Dans l’ensemble des économies développées, la hausse totale a été de seulement 5 % durant toute la période, et l’on a même assisté à des reculs certaines années, notamment l’an dernier (- 0,5 %). Les pays en voie de développement ont été une tout autre histoire. Les salaires en Amérique latine et en Afrique ont respectivement crû, en termes réels, de 15 % et 18 %. Ils ont doublé en Extrême-Orient, et même triplé en Europe de l’Est et en Asie centrale, quoique cette dernière hausse ait fait suite à de fortes baisses durant les années 90.
L’impact de la Chine, sur ces statistiques, est particulièrement frappant. L’OIT estime que la hausse réelle des salaires de 1,2 % enregistrée dans le monde l’an dernier n’aurait été que de 0,2 % sans elle.
Ces tendances ont contribué à réduire l’écart entre les conditions offertes aux travailleurs des pays riches et celles offertes aux travailleurs des pays pauvres, souligne l’OIT, bien que le fossé reste important. Le salaire horaire moyen d’un ouvrier du secteur manufacturier aux Philippines n’était encore que de 1,41 $ l’heure en 2010, contre 4,86 $ en Pologne, 5,41 $ au Brésil, 13,01 $ en Grèce, 18,32 $ au Japon, 23,32 $ aux États-Unis, 24,23 $ au Canada, 25,80 $ en Allemagne et 34,78 $ au Danemark.
Mauvais partage des gains de productivité
Ces chiffres montrent, entre autres choses, que les fruits de l’augmentation de la productivité des travailleurs ne leur sont pas toujours retournés en hausses de salaire. Entre 1999 et 2011, leurs gains de productivité dans les pays développés ont ainsi été plus de deux fois supérieurs à la hausse de leurs salaires moyens. Aux États-Unis, la productivité horaire réelle a augmenté, par exemple, de 85 % depuis 1980 tandis que la rémunération horaire n’a crû que de 35 %. En Allemagne, la productivité du travail a crû de presque 25 % en 20 ans tandis que les salaires mensuels réels n’ont pas bougé. Ce phénomène s’est aussi observé en Chine, où le PIB a augmenté encore plus rapidement que les salaires.
« Là où elle existe, cette tendance est indésirable et doit être modifiée », a commenté dans un communiqué le directeur général de l’OIT, Guy Ryder. « Sur le plan social et politique, on ne peut qu’en déduire que les salariés et leurs familles ne reçoivent pas la juste part qu’ils méritent. »
Partage du temps de travail
Les gouvernements et les entreprises ont eu recours à toutes sortes de mesures pour s’adapter à la Grande Récession et au climat de morosité économique qui est demeuré, note l’OIT. L’une d’elles a été la réduction du temps de travail afin d’éviter les licenciements.
Ces mesures ont pris toutes sortes de formes, comme le passage à la semaine de travail de trois ou quatre jours, le recours à des horaires quotidiens réduits, la fermeture d’usines durant plusieurs semaines, voire quelques mois.
Dans tous les cas, les réductions forcées du temps de travail devaient s’accompagner de baisses salariales proportionnelles. Elles se sont toutefois accompagnées, dans plus d’une vingtaine de pays - notamment en Amérique et en Europe - de programmes publics visant à compenser au moins une partie des pertes salariales qui auraient normalement été subies. Prenant la forme de soutien financier, d’assurance ou de prestations spéciales d’assurance-emploi, cette aide permettait généralement d’effacer au moins la moitié, sinon plus, des pertes salariales.
Lorsqu’elles sont appliquées seulement en période de crise et de façon temporaire - durant de 6 à 24 mois, en moyenne -, de telles mesures sont un bon moyen d’offrir une « bouffée d’oxygène » aux entreprises, le temps que passe le pire de l’orage, a déclaré lundi Jon Messenger, chercheur principal à l’OIT.
« C’est un filet de sécurité qui opère suffisamment longtemps pour que l’économie puisse rebondir. Ce n’est pas un remède miracle, mais c’est un outil précieux que l’on doit avoir à disposition et en état de marche avant que la récession survienne. »