Vers une économie sociale et solidaire - Répondre aux besoins réels des populations

Réginald Harvey Collaboration spéciale
L’économie sociale et solidaire québécoise s’était donné rendez-vous à Rio + 20, au Brésil, en juin dernier.
Photo: Agence France-Presse (photo) Christophe Simon L’économie sociale et solidaire québécoise s’était donné rendez-vous à Rio + 20, au Brésil, en juin dernier.

Ce texte fait partie du cahier spécial Coopératives-Sommet international

Une nouvelle forme d’économie dite sociale et solidaire (ESS) a pris racine dans diverses sphères d’activité un peu partout sur la planète. Elle partage des valeurs avec les organisations coopératives, prend en compte les exigences de la prise de conscience écologique actuelle et incite à faire des choix essentiels en matière de croissance et de décroissance.

Syndicaliste de carrière, Gérald Larose est aujourd’hui président de la Caisse d’économie solidaire Desjardins ; il se pose en ardent défenseur de l’émergence d’une meilleure façon d’aborder et de conduire les activités économiques dans une perspective plus humaine de développement durable. À la veille du Sommet de Québec, il situe l’action coopérative dans le cadre de l’ESS : « Il faut rappeler que le mouvement coopératif est né sur des bases totalement différentes de celles du secteur capitaliste, qui s’est développé en complète contradiction, sur le plan des valeurs, avec le monde de la coopération. »


Il en situe le fondement : « Ce qui est à la base de ce dernier, ce sont les finalités sociales ; on veut répondre aux besoins des personnes et des collectivités dans les domaines alimentaires, de la production agricole, de même que dans les secteurs de la santé, de l’éducation et des arts. D’un autre côté, la logique capitaliste prétexte la réponse à ces besoins-là, mais son objectif, c’est la rémunération du capital, pour laquelle il n’y a pas de limite. En mode coopératif, on est donc dans une logique de finalité sociale, de coopération, de solidarité, voire d’apprentissage de la vie démocratique et citoyenne. Ce monde prend en compte la réalité humaine non seulement dans ce qu’elle est comme producteur ou consommateur, mais aussi dans ce qu’elle est dans les échanges entre les personnes ; il y a là toute la dimension du lien social que le capitalisme détruit systématiquement au profit de la marchandisation. »


Retour de balancier


Existe-t-il présentement une sorte de recentrage vers les objectifs de base de la part des géants coopératifs, dont les activités apparaissent davantage mercantiles dans le tourbillon d’un néolibéralisme tentaculaire ? « Il est fort intéressant de constater qu’il y a une effervescence de base dans le mouvement coopératif ou associatif, c’est-à-dire qu’il y a beaucoup de nouvelles initiatives et qu’il y a des recompositions de structures. On assiste à un nouvel essor et je pense que celui-ci correspond à la destruction que l’économie dominante produit sur les collectivités ; les gens se rendent bien compte qu’on ne peut continuer de cette manière sans mettre en péril la planète elle aussi. On évolue dans un univers de croissance continue qui a des limites physiques, écologiques et sociales ; quand les gens les voient apparaître, ils retournent vers les principes fondamentaux du vivre-ensemble, qui est de produire pour satisfaire les besoins des personnes et non de les tuer en empoisonnant leur existence. »


« On est en train de vivre un changement de paradigme », constate Gérald Larose, au moment où il est question d’une transition écologique de l’économie. Il se montre philosophe : « L’homme dominait le monde, en ce sens que la planète regorgeait de ressources inépuisables et qu’on pouvait produire autant qu’on le voulait ; bref, on se trouvait dans une posture de domination. Dans le cadre des excès produits et des limites atteintes, on est maintenant en train de changer de posture pour découvrir que l’homme n’est pas seulement au-dessus de tout cela, mais qu’il est au coeur de tout cela, alors que c’est la vie elle-même qui est mise en péril. »


Il mesure les conséquences d’une telle prise de conscience : « On en est venu à repenser les finalités de toutes nos activités de production, de consommation, de représentation artistique, etc. On est également en train de revoir les règles de l’économie en se disant que, lorsqu’on produit, il ne faut pas hypothéquer la ressource à partir de laquelle on le fait ; c’est ce qu’on appelle le développement durable, mais c’est encore plus que cela : on révise les liens sociaux de l’économie en revenant à une production et à une consommation de proximité au moyen d’une approche communautaire, sociale et solidaire. Je crois que ce changement va débouler plus rapidement qu’on le pense, parce que le capitalisme est entré en contraction importante ; la crise de l’euro ne sera pas réglée la semaine prochaine, ni dans deux ans ; elle est permanente et il en existera de semblables partout, parce que le système lui-même ne résiste plus, n’est plus capable de porter la croissance continue. »

 

Ancrage public et politique


Pour l’heure, l’économie sociale et solidaire occupe encore une place timide dans l’espace public. Comment arriver à l’inscrire et l’enraciner dans le vécu politique ? La question préoccupe Gérald Larose depuis un moment déjà et il apporte cet éclairage : « À cet égard, on a des problèmes, mais le mouvement coopératif est quand même présent partout dans le monde ; il occupe des grandes portions de l’activité économique tout en étant profondément “ sectorialisé ” et peu fédéré ; il est surtout éclaté sur le plan de la pensée et de la pratique politique. »


Il s’explique plus à fond : « On ne dispose pas d’un corps doctrinal constitué et renouvelé qui nous fournirait une théorie de référence, laquelle pourrait servir à tous les secteurs d’intervention en même temps. Par contre, les secteurs de la coopération s’avèrent performants ; ils n’ont rien à envier au capitalisme sur le plan de la qualité et des coûts de la production, même qu’ils sont plus solides que lui. La crise de 2008 en fournit la preuve : un rapport de l’ONU confirme que le coopératif a résisté beaucoup mieux que le traditionnel à ce moment. »


Il y a pourtant un défi à relever dans un autre domaine : « Là où on est archifaibles, ce qui laisse la belle place aux autres, c’est parce qu’on n’a pas un rapport de force théorique et public pour forcer la transformation du modèle dominant ; on réussit à grignoter des gains à gauche et à droite, mais on ne fait que grignoter ; alors que les enjeux sont planétaires et qu’ils touchent le mieux-être de milliards de personnes, on ne réussit pas à s’imposer comme solution de rechange. »


Il comprend la raison pour laquelle il en est ainsi : « On fait des petits pas, comme à Rio + 20, où on est allés. On nous trouve très intéressants, mais on n’a pas encore un rapport de force politique, ce qui est probablement dû au fait qu’on n’a pas fait l’unité de la pensée, on n’a pas, je le répète, un corps doctrinal qui nous servirait à être la référence pour tous les secteurs de la coopération à travers le monde, de sorte qu’il nous soit possible de dire : le modèle dominant s’en va chez le diable et il n’y a pas 56 manières de recentrer l’économie pour qu’elle réponde aux besoins des populations. On peut y arriver par la coopération, sous la forme juridique, on peut y parvenir par l’économie sociale et solidaire. »


Collaborateur

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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