Les erreurs de calcul de Marois, selon CD Howe

La volonté du gouvernement Marois de mettre à contribution les mieux nantis dans l’abolition de la taxe santé créerait un manque à gagner de plus de 800 millions, annuellement, dans les finances publiques québécoises, selon l’Institut CD Howe. L’Institut rappelle que le régime fiscal québécois est déjà le plus égalitaire au Canada et affirme que hausser le fardeau fiscal des « riches » contribuables équivaudrait à « tuer la poule aux oeufs d’or ».
La réforme fiscale du gouvernement Marois, qui vise à transférer aux mieux nantis le fardeau de l’abolition de la taxe santé, ne sera pas à coût nul. L’analyste Alexandre Laurin, directeur adjoint de la recherche à l’Institut CD Howe, a souligné hier qu’il serait naïf de croire que les contribuables visés vont absorber la facture sans broncher. « Plusieurs études empiriques ont démontré que les contribuables vont réagir à la hausse des taux d’impôt en réduisant autant que possible leur revenu imposable », a-t-il souligné.
Le gouvernement Marois veut abolir la taxe santé, qualifiée de régressive, en ajoutant deux nouveaux paliers d’imposition au sommet de l’échelle des revenus et en augmentant l’imposition des revenus de placement obtenus sous forme de gain en capital et de dividende. Le segment visé est composé de quelque 120 000 « riches » contribuables québécois dégageant des revenus annuels supérieurs à 130 000 $, qui verraient leur taux d’impôt marginal passer de 48,2 % à 52,2 % (à 55,2 % pour les revenus de 250 000 $ et plus). « Plus les taux marginaux d’imposition sont élevés, plus les contribuables sont incités à éviter l’impôt de quelque manière que ce soit », souligne l’analyste. Réduction du travail, migration, désincitatifs à l’investissement, création de fiducie, planification fiscale plus imaginative… « L’important est de comprendre que les contribuables vont réagir à la hausse en tentant autant que possible de diminuer leur revenu imposable, une réalité maintes fois démontrée dans des études empiriques. »
L’analyste de l’organisme de réflexion retient les paramètres d’une étude canadienne, publiée en 2010, qui situe le taux de sensibilité à 0,7 pour 1. Sur cette base, « la hausse d’impôt proposée entraînerait une baisse d’environ 8,9 % du revenu imposable déclaré par les contribuables touchés », résume-t-il. Traduits en recettes fiscales, ces changements de comportement impliqueraient que les nouvelles recettes attendues de la hausse des impôts des mieux nantis ne seraient que de 317 millions contre une contribution de 1,23 milliard de la taxe santé, soit un manque à gagner annuel de 809 millions qu’il faudra combler autrement.
CD Howe qualifie de « louable » le motif d’une meilleure répartition de la richesse sous-jacent à la réforme fiscale proposée. Mais l’Institut rappelle que le régime fiscal québécois est déjà plus égalitaire que celui des autres provinces, une fois pris en compte les impôts et les prestations fiscales. Coiffant son étude du titre « Tuer la poule aux oeufs d’or », Alexandre Laurin met en exergue le fait que « le régime fiscal québécois sur le revenu des particuliers est déjà très dépendant de ses plus hauts revenus ». Les premiers 2 %, soit les individus affichant un revenu imposable supérieur à 130 000 $, déclarent environ 13 % de tous les revenus imposables de la province et supportent près de 28 % de toutes les recettes de l’impôt sur le revenu des particuliers nettes des prestations fiscales. Les premiers 10 % supportent 60 % de ces recettes nettes de l’impôt des particuliers. « Dans quelle mesure une redistribution des revenus encore plus grande par une hausse ciblée des impôts serait-elle désirable ? », demande-t-il.