Expropriation - L’Espagne promet d’exiger « un prix juste »

Le gouvernement espagnol a promis hier de réclamer un « prix juste » pour REE, exproprié mardi de sa filiale bolivienne, deux semaines après une décision similaire en Argentine, des revers qui surviennent à un moment de faiblesse de l’Espagne sur la scène internationale.
« Ce genre de décisions ne nous plaît pas », a réagi le ministre de l’Économie Luis de Guindos, car nous pensons qu’il est fondamental de maintenir la sécurité juridique des investissements dans des pays comme la Bolivie ».
Pour l’Espagne, c’est la deuxième mésaventure de ce genre en très peu de temps dans ce qui reste sa région de prédilection, l’Amérique Latine. Tout a commencé en Argentine : le 16 avril, la présidente Cristina Kirchner, ignorant les avertissements de Madrid, a exproprié partiellement la compagnie pétrolière YPF, contrôlée par Repsol à 57,4 %. Cette décision a ouvert une crise sans précédent entre l’Espagne et l’Argentine, deux pays traditionnellement amis.
Mardi, c’est le président bolivien Evo Morales qui a apporté un nouveau revers à Madrid, en signant un décret pour prendre le contrôle des 99,94 % de Transportadora de Electricidad (TDE) détenus par REE (Red Eléctrica Corporacion). Tandis que Repsol évalue sa part dans YPF à 8 milliards d’euros, dans le cas bolivien, l’impact financier est plus limité : de l’aveu même de REE, cette expropriation n’aura « pas d’effet significatif sur les activités et le compte de résultats du group », la filiale n’apportant qu’« environ 1,5 % » du chiffre d’affaires.
Le gouvernement se veut confiant : « Ce qu’a garanti le gouvernement bolivien, c’est que l’entreprise sera dédommagée des coûts investis dans le réseau d’électricité », a affirmé Luis de Guindos, et « c’est un élément que le gouvernement va surveiller et il va apporter effectivement son assistance [pour demander] un prix juste pour ces investissements ». Il a reçu hier le soutien de Bruxelles, qui attend une « indemnisation rapide et adéquate » dans cette affaire.
Même si l’impact financier est moindre que dans le cas d’YPF, « le gouvernement doit en prendre note » et « il faut se demander ce qui se passe », prévenait hier Francisco Pineda Zamorano, conseiller en relations internationales, interrogé sur la radio publique nationale. « On se paie notre tête ! », s’est insurgé Arturo Fernandez, vice-président de l’organisation patronale CEOE et désormais, « il semble que l’Espagne soit le méchant du film ».
« Le gouvernement doit prendre des mesures fortes », a-t-il estimé car sinon « après cela peut venir de l’Équateur, du Venezuela : nous avons investi beaucoup d’argent, notre travail, notre effort, et nous avons réglé beaucoup de problèmes économiques dans ces pays, pour que maintenant ils nous traitent de cette manière… ».
« Morales a interprété l’expropriation d’YPF comme un signe de faiblesse du gouvernement espagnol », renchérit le quotidien espagnol El País. « Même si cela a provoqué quelques protestations internationales, pas une seule mesure n’a été prise pour punir vraiment celui qui a exproprié », a-t-il ajouté, soulignant que cette fois « le gouvernement [espagnol] est directement concerné », ayant une part de 20 % de REE.
L’image à l’étranger est cruciale pour l’Espagne en récession, car c’est justement le dynamisme de ses exportations qui compense en partie la faible consommation des ménages. « Je ne pense pas qu’il faille s’alarmer en général concernant tous les investissements espagnols en Amérique latine », tempère Francisco Pineda Zamorano.
« Mais il faut faire attention face aux processus électoraux que va vivre l’Amérique latine dans les prochains mois, les prochaines années, car ils sont propices à ce type d’actions [NDLR: les expropriations] de la part des gouvernements, qui vont essayer de les vendre comme une manière de renforcer leur politique nationale. »