Québec renonce à la transformation du diamant

«Ce qu'on fait, comme société d'exploitation minière, c'est qu'on va extraire des diamants bruts qu'on va vendre sur le marché international. Notre rôle s'arrête là», a expliqué hier le vice-président aux affaires publiques de Stornoway, Ghislain Poirier.
Photo: Stornoway Diamond Corporation «Ce qu'on fait, comme société d'exploitation minière, c'est qu'on va extraire des diamants bruts qu'on va vendre sur le marché international. Notre rôle s'arrête là», a expliqué hier le vice-président aux affaires publiques de Stornoway, Ghislain Poirier.
«Ce qu'on fait, comme société d'exploitation minière, c'est qu'on va extraire des diamants bruts qu'on va vendre sur le marché international. Notre rôle s'arrête là», a expliqué hier le vice-président aux affaires publiques de Stornoway, Ghislain Poirier.

Les diamants tirés du sol québécois vont suivre le même chemin que la vaste majorité des pierres précieuses exploitées dans le monde, a-t-il ajouté. Environ 80 % des diamants bruts de la planète sont vendus à Anvers, en Belgique. Et comme plusieurs autres industries soumises aux diktats des marchés internationaux, celles de la taille et du polissage des diamants se sont déplacées en Asie, surtout en Inde et en Thaïlande. «En Inde, il y a plus d'un million de tailleurs. C'est une grosse industrie», a souligné M. Poirier. C'est donc probablement là qu'ils seront transformés avant de revenir dans les comptoirs des bijoutiers.

Le premier ministre Jean Charest a pourtant déjà rêvé de faire tailler et polir des diamants canadiens au Québec. En 2004, son gouvernement s'était même vanté d'avoir attiré au Québec une société internationale spécialisée dans le traitement du diamant. Séduite par des incitatifs fiscaux, une entreprise indienne basée en Belgique, Diarough, avait annoncé son intention d'investir 20 millions de dollars dans une usine de traitement à Matane. Elle espérait ainsi augmenter ses ventes sur le marché nord-américain.

«C'est un changement très important dans la façon dont le gouvernement aborde les projets de développement», avait alors déclaré le premier ministre. «Pendant trop longtemps, on a extrait des matières premières et la transformation s'est faite ailleurs. [...] On n'attend pas que quelqu'un ouvre une mine pour ensuite aller traiter les diamants ailleurs pour qu'ils soient revendus au Québec», avait-il ajouté.

Le chef libéral avait aussi souligné que le secteur primaire du diamant représentait 7 milliards dans le monde, mais que la transformation du produit et la joaillerie représentaient 58 milliards. «Le choix pour le Québec est de faire partie d'une industrie qui fait 58 milliards», avait résumé M. Charest.

Il faut dire qu'à l'époque, le secteur des monts Otish — où s'est implantée Stornoway — présentait déjà un potentiel diamantifère très intéressant. La Société québécoise d'exploration minière (SOQUEM) était d'ailleurs engagée dans l'exploration minière dans cette zone aujourd'hui très prometteuse. Mais les activités de Diarough, qui misait beaucoup sur l'ouverture d'une mine au Québec, ont périclité rapidement. L'usine a finalement fermé en 2009. Trois autres projets de tailleries lancés quelques années auparavant n'ont pas survécu, malgré l'aide de Québec.

Dans sa stratégie minérale publiée en 2009, le gouvernement Charest a néanmoins signifié sa volonté que 10 % de la production de diamants soit transformée ici. Et Québec, visiblement, croit depuis longtemps au potentiel du projet Renard. L'État détient une participation de 37 % dans Stornoway, par l'intermédiaire d'Investissement Québec.

Avec l'annonce du Plan Nord, certains ont recommencé à croire à la relance du projet, surtout dans la région de Matane, où a été implanté un Centre canadien de valorisation du diamant. En mai 2011, la ministre Nathalie Normandeau avait d'ailleurs souligné que la relance de l'industrie diamantaire matanaise était une piste intéressante qui cadrait bien avec le Plan Nord. Mais rien de concret n'a été annoncé depuis.

Les minières n'ont aucune obligation de transformer les ressources au Québec. Selon le ministre délégué aux Ressources naturelles, Serge Simard, une telle mesure équivaudrait à du «protectionnisme» susceptible de «créer de la pauvreté chez nous».

Le gouvernement a par ailleurs octroyé un important soutien financier à Stornoway. Québec paiera 287 millions de la facture de 332 millions pour le prolongement de la route 167, qui permettra à Stornoway d'exploiter sa mine. En cas de dépassements de coûts, comme cela peut se produire dans un projet routier d'une telle envergure, l'ardoise supplémentaire sera réglée grâce à des fonds publics.

Milliards de dollars

Le gisement diamantifère situé à 350 kilomètres au nord de Chibougamau a de quoi intéresser d'importants acheteurs de la précieuse pierre. Les plus récentes estimations de l'entreprise de Vancouver font état de réserves diamantifères «probables» de 18 millions de carats. À cela s'ajoutent des «ressources minérales présumées» de 17,5 millions de carats. De quoi assurer plus de 20 ans d'une production dont la valeur devrait se chiffrer en milliards de dollars.

Tout indique en effet que les diamants exploités par Stornoway Diamond Corporation auront la cote auprès des grands acheteurs. Selon Ghislain Poirier, la valeur moyenne par carat est de 180 $. «La moyenne mondiale est de 90 à 95 $ par carat. On se positionne donc très bien par rapport à la moyenne mondiale», a-t-il fait valoir. «Les diamants québécois vont avoir une certaine popularité. J'en suis convaincu.» Qui plus est, 99 % des diamants seraient de qualité de «joaillerie», c'est-à-dire qu'ils pourront être utilisés dans l'industrie très lucrative des bijoux de toutes sortes. «C'est ce qui donne la plus value», a souligné M. Poirier.

Hier, Stornoway a franchi une autre étape devant mener au lancement des travaux d'exploitation de la première mine de diamants du Québec. L'entreprise a en effet signé une «convention» avec la nation crie de Mistissini et le Grand Conseil des Cris. Celle-ci prévoit des occasions d'emploi et d'affaires pour les Cris pendant les étapes de la construction, de l'exploitation et de la fermeture du projet. La Convention Mecheshoo prévoit un mécanisme qui assurera aux parties cries des retombées à long terme sur le plan financier liées à la réussite du projet. Mais aucun détail financier n'a été rendu public.

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