Fermeture d'Aveos: l'entreprise blâme Air Canada

Hier, environ 2400 travailleurs, dont 1800 à Montréal, ont appris qu’ils se retrouvaient sans travail à la suite de la décision d’Aveos Performance aéronautique de fermer ses usines dans trois villes.
Photo: La Presse canadienne (photo) Paul Chiasson Hier, environ 2400 travailleurs, dont 1800 à Montréal, ont appris qu’ils se retrouvaient sans travail à la suite de la décision d’Aveos Performance aéronautique de fermer ses usines dans trois villes.

Aveos blâme Air Canada pour les difficultés financières qui l’ont forcée à se placer sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) et à fermer, du moins temporairement, ses ateliers, semant l’incertitude au sein de ses 2600 employés, dont 1800 à Montréal.

En réclamant cette protection, aujourd'hui devant la Cour supérieure à Montréal, Aveos a indiqué qu’Air Canada, son plus important client, l’avait placée dans une position intenable.

«Depuis le début de 2012, Air Canada a réduit, reporté et annulé des travaux d’entretien avec Aveos, ce qui a résulté en une perte de revenus de 16 millions en moins de deux mois», a affirmé l’entreprise dans sa demande.

«Bien qu’Aveos était prêt et capable d’effectuer les travaux prévus, la perte de ces travaux a été dévastatrice pour la situation financière d’Aveos», poursuit-on dans le document.

Air Canada est le plus important client d’Aveos, représentant environ 90 % de ses activités d’entretien.

Aveos a présentement trois gros porteurs d’Air Canada en réparation à ses installations de Montréal et Vancouver.

Un avocat d’Air Canada est venu affirmer devant le tribunal que le défaut de compléter ces réparations d’ici deux semaines pourrait se traduire par de nombreuses annulations de vols.

Or, dans les heures précédentes, Air Canada avait publié un communiqué soutenant exactement le contraire. «Air Canada a un plan de contingence lui permettant d’assurer la continuité de ces travaux, lesquels continueront d’être exécutés conformément à toutes les exigences légales et réglementaires, écrivait-on. Si Aveos n’est pas en mesure d’assurer les services prévus, Air Canada est prête à prendre des dispositions avec différents fournisseurs principalement installés au Canada et aux États-Unis et avec lesquels elle entretient des relations depuis longtemps.»

Le transporteur précisait que ces événements, qu’il qualifiait de «décevants», n’avaient aucune incidence sur ses activités quotidiennes d’entretien, qui sont toujours effectuées par ses propres 2300 employés de maintenance.

Dans ce même communiqué, Air Canada se dégageait de toute responsabilité face à Aveos, rappelant qu’il avait vendu sa division des services techniques en 2004 et que celle-ci a été revendue en 2007 à un consortium d’investisseurs privés et que sa main-d’œuvre est indépendante de celle d’Air Canada et régie par une convention collective distincte.

Cependant, les 2600 employés d’Aveos répartis dans ses installations de Montréal, Vancouver et Winnipeg sont, pour la plupart, d’anciens employés d’Air Canada qui avaient été forcés à changer d’employeur lorsque le transporteur s’était départi de sa division.

Manifestation du matin

Plus d’une centaine d’entre eux ont d’ailleurs bloqué, ce matin, l’accès aux bureaux d’Air Canada à l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau, à Montréal, alors qu’un autre groupe manifestait devant les bureaux d’Aveos, situés à proximité.

Le porte-parole de l’Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatial (AIMTA), Marcel St-Jean, déplorait d’ailleurs la manière dont s’était déroulé le tout.

«C’est une surprise totale. Dimanche après-midi les employés ont reçu des appels à la maison à partir de 17h leur disant de ne pas rentrer travailler, que ce serait fermé le lendemain [lundi]. Le syndicat n’a jamais eu de contact avec la compagnie», a-t-il dit.

L’AIMTA, qui représente aussi les mécaniciens, les manutentionnaires de bagages et les membres du personnel de maintenance en piste d’Air Canada, craignait pour l’avenir d’Aveos depuis qu’Air Canada a décidé de confier certaines de ses tâches à d’autres sous-traitants à l’extérieur du pays, notamment aux États-Unis et en Chine.

Marcel St-Jean s’est dit d’avis que le gouvernement fédéral ne peut rester indifférent à cette situation. «Si le gouvernement a mis beaucoup de milliards pour aider les travailleurs de l’automobile en Ontario, il doit être capable de venir nous aider un peu. Ici, on parle de 1800 jobs au Québec et 3000 à travers le Canada. Je crois que le gouvernement devrait commencer à penser à venir nous aider nous aussi», a-t-il indiqué.

Une décision d'affaire, dit le ministre Lebel

À Ottawa, le ministre des Transports, Denis Lebel, a déploré les pertes d’emplois mais a ajouté qu’il s’agissait d’une décision d’affaires d’une entreprise privée, indiquant ainsi clairement qu’il n’avait aucune intention d’intervenir.

Le contrat exclusif liant Air Canada à Aveos vient à échéance en juin 2013 et Air Canada a déjà émis un appel d’offres pour des contrats à venir.

Aveos a indiqué lundi avoir l’intention de fermer sa division des cellules, qui s’occupe principalement des travaux sur les carlingues, mais de maintenir ses activités en ce qui a trait aux moteurs et aux composantes.

La fermeture inopinée de l’usine montréalaise a soulevé des protestations de tous les milieux politiques. Le député libéral de Bourassa, Denis Coderre, le chef du Bloc québécois, Daniel Paillé, et le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, entre autres, se sont présentés sur les lieux des manifestations pour offrir leur appui aux travailleurs et réclamer une intervention du gouvernement Harper.

Les protestations sont également venues du maire de Montréal, Gérald Tremblay, et de la chef de l’opposition à l’hôtel de ville, Louise Harel.

À Québec, le ministre des Finances, Raymond Bachand, et son collègue du Développement économique, Sam Hamad, ont aussi déploré la situation tout en promettant un effort pour relancer l’entreprise.

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