Libre-échange Canada-Europe - L'opposition réclame plus de transparence

Les partis d'opposition pressent Ottawa de lever sans plus attendre le «climat de secret» qui entoure les négociations commerciales entre le Canada et l'Europe, ainsi que d'en éclaircir les enjeux les plus litigieux avant qu'un accord soit conclu.

Même l'étude réalisée cet automne par le Comité permanent du commerce international n'a pas permis de dissiper le «manque de transparence» des négociations en vue d'un Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne (AECG), ont déploré ses membres issus du NPD dans un rapport dissident. «Des réunions à huis clos ont instillé un climat de secret dans le processus de négociation de l'AECG. L'information diffusée est vraiment insuffisante pour que la population et ses représentants, à tous les niveaux de gouvernement, puissent en arriver à une conclusion éclairée sur les avantages et les risques que présente l'AECG.»

Le seul autre député de l'opposition au Comité, le libéral Wayne Easter, s'est étonné, dans une autre opinion dissidente, du fait que ses collègues de la majorité conservatrice n'ait permis d'entendre que 28 témoins durant les audiences qui se sont tenues à Ottawa aux mois d'octobre et novembre, alors qu'il y en avait eu 147 pour l'étude de l'Accord de libre-échange canado-américain, en 1987, et 124 pour l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) en 1992-1993.

Pourtant, «de toutes les négociations commerciales entreprises par le Canada», celles de l'AECG seraient «appelées à avoir les conséquences les plus grandes», au dire même du gouvernement.

«Avantage net» pour le Canada

Les autres membres du Comité réfutent ces critiques. «Bien qu'il n'y ait pas de consensus, la majorité des témoins que le Comité a entendus s'entendent pour dire que le mécanisme de consultation du gouvernement du Canada est inclusif. Ils estiment être consultés régulièrement et que leurs points de vue sont suffisamment pris en considération», peut-on lire dans le rapport du Comité déposé à la Chambre des communes, lundi.

On y conclut que le projet de traité commercial présente, d'ores et déjà, un «avantage net» pour le pays et rapporte que «la majorité des témoins canadiens [...] estiment que les effets d'un accord seront positifs». Le Comité, dont la moitié des membres se sont également rendus en Europe pour y rencontrer des élus et d'autres intervenants, rappelle notamment qu'une étude conjointe canado-européenne concluait, avant le lancement des négociations, qu'un accord injecterait au moins 12 milliards de plus par année dans l'économie canadienne et y créerait 80 000 emplois grâce, notamment, à un meilleur accès pour nos manufacturiers et compagnies de services au plus grand marché unique au monde.

Le Comité admet avoir entendu, durant ses travaux, des représentants de villes canadiennes, de certains producteurs agricoles, des fabricants de médicaments génériques ou encore de mouvements altermondialistes, exprimer certaines inquiétudes à l'égard du projet d'accord. Il dit toutefois avoir été rassuré par les négociateurs qui lui ont notamment affirmé qu'une éventuelle entente ne modifierait pas «la situation actuelle de façon significative en ce qui concerne les marchés publics gouvernementaux» et qu'ils comptaient défendre le système canadien de gestion de l'offre en agriculture «avec la même vigueur qu'au cours des négociations des accords précédents».

Aussi, le rapport ne formule-t-il que quatre recommandations au gouvernement. La première est d'avoir signé, comme prévu, une entente avant la fin de l'année. Une autre est d'encourager les Canadiens à se préparer afin qu'ils sachent saisir cette nouvelle chance qui se présentera bientôt à eux.

Critiques

Le rapport dissident du NPD fait écho, quant à lui, à plusieurs critiques entendus depuis des mois. Il note que les fonctionnaires fédéraux admettent eux-mêmes que l'étude d'impact conjointe n'était qu'un exercice théorique bien imparfait. Il avance que le Canada semble en voie, non seulement d'ouvrir aux Européens le marché des contrats publics des provinces et des municipalités, mais aussi de renoncer à leur pouvoir d'exiger que ces contrats aient des retombées locales positives. Il rappelle qu'une récente étude a conclu que le resserrement des règles en matière de brevets exigés par les Européens coûterait aux Canadiens 2,8 milliards de plus en médicaments par année.

Au fil de ses 17 recommandations, le NPD demande au gouvernement fédéral de tenir de nouvelles audiences publiques, de réaliser de nouvelles études d'impact et de dire non à pratiquement toutes les demandes importantes du camp européen.

Les huit recommandations contenues dans «l'opinion dissidente» des libéraux vont moins loin dans leur rejet du projet en chantier. Elles pressent néanmoins Ottawa, elles aussi, de procéder à de nouvelles consultations publiques et à des «analyses exhaustives» «avant que le gouvernement ne présente l'accord au Parlement pour ratification».

Le gouvernement a théoriquement 120 jours pour répondre à toutes ces recommandations. Les camps européen et canadien disent être convaincus de pouvoir respecter l'échéancier qu'ils se sont fixés et évoquent même la possibilité d'une entente de principe avant le mois de juin.

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