Les économistes souhaitent une retraite volontairement plus tardive

Photo: Agence France-Presse (photo) Françcois Nascimbeni

Les économistes le martèlent sans cesse. Tant le vieillissement de la population que les pressions s'exerçant sur les régimes de retraite invitent les gouvernements à jouer la carte des mesures incitant à demeurer plus longtemps sur le marché du travail. Sinon à carrément augmenter l'âge officiel de la retraite au Canada, une tendance déjà amorcée dans l'OCDE.

Selon les résultats d'un sondage trimestriel de Léger Marketing réalisé pour l'Association des économistes québécois (AEQ), 89 % des répondants qualifient de préoccupante la situation des revenus de retraite des Québécois. Relevant le double impact du contexte du vieillissement de la population et du taux de rendement plus faible que ce qui était attendu sur l'actif des régimes de retraite, ils soutiennent dans la même proportion le recours à l'augmentation des incitatifs aux travailleurs les encourageant à rester plus longtemps en emploi ou à y revenir.

Ils sont cependant divisés sur l'idée avancée par le gouvernement Harper de reporter à 67 ans l'âge d'admissibilité à la pension de la sécurité de la vieillesse. Ainsi, 47 % considèrent favorablement cette mesure, 48 % y sont défavorables. «En somme, il faut reconnaître, dans ces réponses au sondage, une préférence professionnelle nette qu'ont les économistes en faveur de mesures incitatives (89 %) plutôt que coercitives (48 %)», a souligné Michel Cousineau, président du Comité des politiques publiques de l'AEQ. L'association comprend 689 membres. Des 444 contactés par courrier électronique, 175 membres ont répondu au sondage.

Parmi les autres réponses concernant les régimes de retraite, 72 % se sont dits favorables à ce que l'âge du début des prestations du RRQ/RPC soit reporté à 67 ans, ou plus tard, «si le travailleur le demande», et à permettre de contribuer à ces régimes sur la période de travail supplémentaire. «Les avis sont plus partagés pour d'autres avenues. La mesure consistant à hausser les taux de contribution au RRQ/RPC en cas de déficit actuariel sans diminuer les prestations récolte 63 % d'appuis parmi les économistes sondés, alors que 30 % y sont défavorables. Celle visant à repousser l'âge de l'obligation de transformer un REER en FERR obtient l'appui de la moitié des économistes interrogés (51 %), alors que 25 % y sont défavorables [...] La moitié d'entre eux (48 %) est aussi en faveur de lier, jusqu'à un certain point, les prestations au rendement des régimes publics (RRQ/RPC), comme en Scandinavie. Cependant, le tiers (33 %) est défavorable à cette mesure», poursuit le communiqué.

Dans une étude distincte, Stéfane Marion, économiste en chef et stratège à la Banque Nationale, suggère également de miser sur le taux d'activité, soit l'un des grands déterminants de la croissance économique. Reprenant les projections du professeur Christopher Ragan, du Département d'économie de l'Université McGill, la baisse du taux d'activité au Canada sur l'horizon 2011-2040 «pourrait, avec les politiques actuelles, rogner 0,5 point de pourcentage de la croissance annuelle du PIB». Poursuivant sa réflexion, Stéfane Marion rappelle que, durant les années 1960, lors de l'instauration des régimes publics fixant le début de la pleine prestation à 65 ans, l'espérance de vie au Canada était de 68 ans pour les hommes et de 75 ans pour les femmes. Aujourd'hui, elle se situe à 78 et à 83 ans respectivement. «L'âge de la retraite n'a jamais té indexé à l'espérance de vie», souligne-t-il.

L'économiste revient sur les estimations du FMI, évoquant les effets explosifs du vieillissement de la population sur l'endettement des États. En l'absence de correctifs, «la dette générale nette des États, qui s'établit actuellement en moyenne à 77 % du PIB au sein du G7, devrait gonfler à 200 % d'ici 2030 pour attendre 400 % en 2050». Certes le Canada est moins exposé. Son ratio dette brute/PIB, à 85,1 % à la fin de 2010, est inférieur à la moyenne de 97,9 % observé au sein de l'OCDE. Et puisque le régime public est en partie capitalisé au Canada, le ratio de la dette nette par rapport au PIB passe à 30,4 % au Canada, contre 58,1 %, en moyenne, pour l'OCDE. Mais le vieillissement de la population étant ce qu'il est, de 7 travailleurs pour 1 retraité durant les années 1960, ce ratio se situe aujourd'hui à 4,4 pour 1 au Canada. Il sera de 2,4 pour 1 dans moins de 20 ans. «Une étude récente de Christopher Ragan démontre qu'avec les politiques actuelles, le ratio dette nette/PIB du Canada commencera à remonter vers le niveau où nous étions au milieu des années 1990.»

Stéfane Marion estime qu'il est temps d'«indexer» l'âge de la retraite. «L'augmentation de l'âge de la retraite de 65 ans à au moins 67 ans est une tendance déjà amorcée dans l'OCDE. À notre avis, il est temps que le Canada la suive aussi.» Sur les 34 pays de l'OCDE, 22 retiennent l'âge de la retraite à 65 ans. Mais 7, dont les États-Unis, ont adopté le seuil de 67 ans et 1, la Grande-Bretagne, celui de 68 ans, a-t-il illustré.

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