Frank Dunn, Douglas Beatty et Michael Gollogly au banc des accusés - Les dirigeants de Nortel savaient ce qu'ils faisaient, dit la Couronne

Photo: Agence Reuters

Toronto — Les trois anciens dirigeants de Nortel Networks qui subissent un procès pour fraude ont manipulé en toute connaissance de cause les livres de l'entreprise aujourd'hui insolvable, afin de mettre la main sur près de 13 millions en primes en argent et actions, a avancé la Couronne à Toronto, hier.

L'ancien président et chef de la direction de Nortel, Frank Dunn, l'ex-directeur financier Douglas Beatty et Michael Gollogly, ancien contrôleur financier, ont falsifié les états financiers de Nortel afin d'afficher un retour à la rentabilité en 2003, même si la compagnie demeurait dans le rouge, a affirmé le procureur Robert Hubbard.

Chacun des trois hommes a plaidé non coupable et aucune des allégations de la Couronne n'a été prouvée en cour. La défense doit amorcer le début de son argumentation à compter d'aujourd'hui, quatrième jour d'un procès qui devrait durer six mois.

Le raisonnement de la Couronne repose essentiellement sur le fait que sous la direction de Dunn, Nortel nourrissait une culture comptable de «jarre à biscuits» en vertu de laquelle des réserves de centaines de millions de dollars n'ont pas été rendues publiques lorsqu'elles auraient dû l'être, ayant ultérieurement servi à améliorer de façon frauduleuse des résultats trimestriels.

M. Hubbard a dit vouloir faire la preuve que ceux qui se trouvaient à la tête de l'entreprise savaient que ce qu'ils faisaient était mal. Il entend prouver que plusieurs transactions trompeuses n'avaient pas résulté simplement d'erreurs de comptabilité ou d'une mauvaise tenue des dossiers, mais qu'elles faisaient partie d'un plan visant à donner l'illusion que la société avait retrouvé la voie de la rentabilité, alors que ce n'était pas le cas.

Le procureur a affirmé que les hauts dirigeants auraient dû savoir que la compagnie ne devait pas enjoliver ses résultats pendant une période de morosité en pigeant des montants excessifs à même ses réserves d'argent, qu'il a à maintes reprises qualifiées de «jarre à biscuits».

«C'est de la comptabilité de base, a-t-il dit. Il s'agit d'une plutôt bonne indication que les résultats déterminent la comptabilité, et non pas que la comptabilité détermine les résultats.»

M. Hubbard a montré à la cour le brouillon d'une lettre qui aurait été écrite par Michael Gollogly, alors contrôleur de l'entreprise, dans laquelle ce dernier s'inquiétait de la façon dont Nortel arrivait à afficher un bénéfice au deuxième trimestre de 2003.

La Couronne allègue que dans sa correspondance, M. Gollogly a menacé de démissionner et de renoncer à une prime de rendement obtenue frauduleusement par les hauts dirigeants en trafiquant les livres comptables de la compagnie.

La lettre n'a jamais été envoyée et M. Gollogly a accepté la prime même si Nortel n'a réalisé un bénéfice qu'en manipulant ses résultats financiers, a affirmé le procureur.

La Couronne compte une liste de 28 témoins qu'elle entend appeler à la barre, parmi lesquels d'anciens employés qui, a-t-elle prévenu, pourraient avoir été complices des accusés.

À son apogée pendant le boom technologique de 1999-2000, l'équipementier a pris rapidement de la valeur en Bourse et connu une période de diversification et d'expansion. Le scandale comptable de Nortel en 2002-2003 a par la suite provoqué l'une des chutes les plus spectaculaires sur le marché boursier canadien.

La société a finalement vendu presque toutes ses entreprises à différents acheteurs pour plus de 3 milliards.

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