La Financière agricole - Accusée de saigner les producteurs de porc

Québec — Des députés ont exprimé hier leurs craintes de voir disparaître les producteurs de porcs indépendants à cause de l'intransigeance de la Financière agricole (FA), dont ils ont exceptionnellement contraint les administrateurs à comparaître en commission parlementaire. Des dirigeants de la société d'État, qui avaient refusé en août une première invitation à comparaître, ont subi le tir des députés, qui ont fait front commun dans un rare élan d'unanimité.
Le président de la commission parlementaire de l'agriculture, le député libéral Pierre Paradis, a d'ailleurs souligné que la FA avait réussi à susciter le mécontentement de tous les partis à l'Assemblée nationale. «Habituellement, c'est conflictuel, a-t-il dit avec une pointe d'ironie. Mais ce que j'ai senti, c'est une nouvelle façon de faire de la politique et c'est peut-être la Financière qui en est responsable. C'était consensuel, de toutes les formations politiques et de tous les députés de toutes les régions.»M. Paradis a accusé les administrateurs de ne pas tenir compte du fait que la production porcine, qui éprouve de grandes difficultés, est cyclique. «Les gens qui observent le marché, je leur ai parlé, me disent qu'en 2012 ça va repartir», a-t-il dit.
Le député péquiste Nicolas Marceau a quant à lui estimé que la FA pourrait causer la disparition des plus petits producteurs de porcs en leur imposant des tarifs trop élevés pour un programme d'assurance qui doit compenser leurs pertes lorsque les prix du marché fluctuent.
Une administratrice de la Financière agricole, Marie-Christiane Lecours, a admis que des mesures de resserrement, imposées il y a deux ans par le gouvernement, peuvent susciter des difficultés pour certains producteurs. «Je suis très consciente des problèmes humains qui surviennent sur les fermes, a-t-elle dit. Je suis très consciente, messieurs et mesdames les députés, que dans vos bureaux de comtés ça ne doit pas être facile à tous les jours. Vous devez avoir des agriculteurs à vos portes qui vivent des drames.»
En novembre 2009, feu Claude Béchard avait imposé une enveloppe annuelle fermée de 630 millions à la Financière agricole du Québec (FADQ) pour son programme d'Assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA), et ce, pour les cinq années suivantes. Le bras financier du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation accumulait en effet les déficits année après année — pour un total de plus d'un milliard de dollars —, d'où l'obligation de mettre en place un plan de redressement passant par une réforme de l'ASRA. Celle-ci sert à combler la différence entre les coûts de production et la valeur marchande.
Mesures d'aide?
Lors d'un point de presse en marge de la commission parlementaire, le président du conseil d'administration, André Forcier, a déclaré que la FA analysera les coûts reliés à des mesures d'aide pour certains producteurs de porcs. M. Forcier a affirmé que cette démarche a été amorcée à la suite d'une demande formulée jeudi par le ministre de l'Agriculture, Pierre Corbeil.
«Le ministre n'a pas spécifié lesquelles demandes, il nous a demandé de regarder certaines avenues et ce qu'on a dit au conseil d'administration de vendredi, c'est que le p.-d.g. et son équipe nous reviendraient le plus rapidement possible avec une analyse de coûts», a-t-il dit lors d'un point de presse. M. Forcier a affirmé qu'une décision serait prise d'ici quelques semaines.
L'Union des producteurs agricoles soutient pour sa part que les producteurs font les frais d'un trop grand empressement de la société d'État à rééquilibrer ses finances. Le président de l'UPA, Christian Lacasse, a affirmé que les tarifs de l'ASRA ont été haussés d'une manière trop radicale, notamment pour les producteurs de porcs. Selon M. Lacasse, alors que l'objectif est de rembourser un déficit sectoriel de 650 millions en 15 ans, ce sera plutôt le cas en trois ans. «En maintenant une surprime comme on le fait depuis les deux dernières années, ça fait en sorte que les producteurs sont égorgés», a-t-il dit. Selon l'UPA 2008, le Québec aurait déjà perdu 20 % de ses fermes porcines (430 fermes) depuis 2008.
En plus d'ordonner aux administrateurs de comparaître lundi, la commission a aussi obtenu le dépôt de procès-verbaux du conseil d'administration de la société d'État.
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Avec Le Devoir