Le ralentissement des pays industrialisés se fait sentir dans les économies émergentes

C'est un fort coup de frein que subit l'économie mondiale depuis le début de l'été. Certes, l'activité manufacturière du mois d'août aux États-Unis surprend en continuant à croître modestement, mais partout le recul est la règle. «Pour le sixième mois consécutif, la confiance des industriels a baissé en août à l'échelon mondial, commente Bruno Cavalier, économiste en chef chez Oddo Securities. Sur les 27 pays ayant publié leurs enquêtes auprès des directeurs d'achat (PMI), 21 enregistrent une baisse.»

Les effets de ce ralentissement commencent à toucher les pays émergents. Au Brésil, la chute de l'activité a été si brutale que la banque centrale a changé de politique monétaire et abaissé ses taux, le 31 août, après une année de hausse.

Jeudi dernier, Crédit Suisse a révisé à la baisse ses prévisions de croissance pour toute une série de pays asiatiques parmi lesquels la Chine, l'Inde, la Corée du Sud ou la Thaïlande. La région est «extrêmement sensible» aux évolutions économiques en Europe et aux États-Unis, écrivent les analystes de la banque. Les indicateurs témoignent ainsi d'un recul de l'activité manufacturière, en août, en Corée du Sud et à Taïwan. En Chine aussi, le rythme des commandes et des exportations a marqué le pas pendant l'été, en raison d'une faible demande de l'étranger.

La plupart des observateurs restent, malgré tout, confiants et prévoient pour les économies asiatiques une modération plutôt qu'un atterrissage brutal. Le continent «est globalement plus résilient qu'en 2008», estime Bei Xu, économiste chez Natixis. Les pays tels que la Chine peuvent se raccrocher à un marché domestique en pleine croissance et profitent de l'expansion du commerce Sud-Sud. «La part de l'Union européenne (UE) et surtout — celle — des États-Unis dans les exportations chinoises ont nettement diminué depuis la crise financière», précise Mme Xu.

Évolution identique en Afrique où, selon le Centre de développement de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la part des échanges avec les pays émergents a augmenté de 23 % à 39 % en une décennie. «Les statistiques ne reflètent pour l'heure aucun effondrement, analyse Vanessa Jacquelain, économiste pour l'Afrique à l'Agence française de développement (AFD), et pas de retrait de capitaux comme après la faillite de Lehman Brothers en 2008. Si un scénario catastrophe se réalisait après un défaut grec par exemple, les pays d'Afrique subsaharienne, qui ont assaini leurs comptes et amélioré leur gouvernance, disposent d'une marge de manoeuvre et d'étonnantes capacités de résistance, comme ils l'ont prouvé en 2009.»

Tensions à l'export


Thierry Tanoh, vice-président d'Afrique subsaharienne et d'Europe de l'Ouest de l'IFC (Société financière internationale du groupe Banque mondiale), ne voit pas l'Afrique «fortement touchée, car les secteurs qui tirent son économie sont les ressources naturelles pour lesquelles la demande ne se dément pas». Il note qu'elle bénéficie d'un meilleur suivi macroéconomique que par le passé, qui lui évitera de graves dérapages. Ce contexte devrait rassurer les capitaux privés indispensables aux projets d'infrastructures, dont dépend la croissance des pays très pauvres.

Les canaux de transmission d'une crise éventuelle sont peu actifs en Afrique. «Le tissu bancaire y est assez sain et ses établissements peu exposés et "liquides". Ils semblent donc peu vulnérables, commente de son côté Stéphane Brabant, avocat associé au cabinet Herbert Smith. Ces pays vivent surtout des mines, du pétrole, du gaz ainsi que de la forêt et de l'agriculture et peu de l'industrie, poursuit-il. En cas d'effondrement des économies occidentales, ces activités, notamment extractives, ne s'arrêteraient pas du jour au lendemain. Il s'agit d'investissements structurés pour durer et résister. L'exploration et l'exploitation d'un gisement ne se font pas pour six mois! Certains projets pourraient s'arrêter en raison d'une hausse des coûts d'exploitation ou d'un tarissement de la demande, faute de trésorerie, mais ils pourraient être repris par d'autres exploitants, dont des nouveaux investisseurs africains qui sont à l'affût d'opportunités.»

Une certitude dans tous les pays du Sud: ceux qui souffriraient le plus d'un ralentissement prolongé des économies développées seront les plus ouverts et les plus tournés vers l'exportation.

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