Aucun emploi n'a été créé au cours du mois d'août - Les États-Unis s'enfoncent davantage
Zéro. C'est le bilan de la création d'emplois aux États-Unis le mois dernier. Un bilan qui met fin à dix mois consécutifs d'embauches nettes, selon des chiffres publiés hier à Washington par le département du Travail. Le taux de chômage est donc demeuré très élevé, à 9,1 %, et la première économie mondiale vacille au bord de la récession.
Les destructions d'emplois ont exactement compensé les créations de postes du mois, indique le rapport officiel sur l'emploi du ministère, alors que les économistes tablaient sur un solde des embauches positif, de 70 000, selon leur prévision médiane.Mais malgré ce coup d'arrêt imprévu, le taux de chômage est resté inchangé, conformément aux attentes des analystes. Il se situe à plus de 9 % depuis près de deux ans. Et mesuré au sens large, c'est-à-dire en incorporant les chômeurs dits découragés, un certain nombre d'autres exclus du décompte officiel, ainsi que les personnes contraintes de travailler à temps partiel à défaut de pouvoir trouver un emploi à plein temps, le taux de chômage des États-Unis est remonté de 0,1 point en août, pour s'établir à 16,2 %.
«La croissance moyenne de l'emploi sur les quatre derniers mois a été bien moins forte qu'au cours des quatre premiers mois de l'année», a noté le département du Travail. En fait, les chiffres de l'emploi d'août sont les plus mauvais depuis ceux de septembre 2010, lorsque l'économie américaine avait détruit pour la dernière fois plus d'emplois qu'elle n'en avait créé. Ces données ont toutefois été affectées par un conflit social chez l'opérateur de télécommunications Verizon au moment de la réalisation de l'enquête du ministère. Sans cela, «les créations d'emploi du secteur privé auraient atteint 62 000, donc le marché du travail n'a pas complètement calé», estime Ian Shepherdson, économiste du cabinet HFE.
«En août, on a eu un Congrès en pleine implosion, un abaissement de la note américaine et un ouragan. C'était un environnement plutôt rude pour la confiance et la consommation, encore plus pour les employeurs, a expliqué à l'Agence France-Presse Greg Salvaggio de Tempus Consulting, à Chicago. Il semble logique que les chiffres aient été mauvais. Mais il est un peu surprenant qu'ils aient été si mauvais.»
Les chiffres du ministère sont également moroses en ce qui concerne l'évolution des revenus des Américains: le salaire horaire moyen a légèrement baissé en août par rapport au mois de juillet, et, sur un an, sa hausse n'atteint que 1,9 % alors que l'inflation a été de 3,6 % durant la même période. Qui plus est, les créations d'emplois des deux mois précédents ont également été révisées en forte baisse. Les chiffres révisés de juin et juillet font en fait état d'au total 58 000 créations d'emplois de moins que les premières estimations.
Bref, rien n'est gagné pour la première économie mondiale, ni pour son président. Barack Obama doit s'adresser au Congrès le 8 septembre pour présenter un nouveau plan destiné à stimuler les embauches et à relancer la croissance économique du pays, qui s'est enlisée depuis le début de l'année. Les faibles chiffres d'août pourraient d'ailleurs accentuer la pression sur les responsables de la Réserve fédérale américaine, dont de nombreux investisseurs attendent des mesures supplémentaires de soutien à l'économie.
«On peut difficilement avoir une meilleure illustration du fait que les États-Unis sont à la limite de la récession, a commenté à Reuters Bruno Cavalier, responsable de la recherche économique chez Oddo Securities. Cela exerce une pression supplémentaire sur les responsables des politiques économiques pour redonner un peu de soutien et donc de confiance dans l'économie», estime-t-il.
«Nous ne nous attendons pas à ce que l'économie s'effondre, mais plutôt à ce qu'elle s'affaisse et titube», estime Patrick O'Keefe, directeur de la recherche économique pour la société comptable J.H. Cohn. Pour les analystes d'Unicredit, «ce mauvais chiffre renforce clairement l'idée que les États-Unis sont déjà entrés, ou sont sur le point d'entrer, en récession».
Selon Francis Généreux, économiste principal chez Desjardins Études économiques, la contre-performance américaine est «décevante». Mais selon lui, ces données ne signalent pas de «débâcle du marché du travail et de l'économie», surtout parce que le secteur privé continue de bien se comporter. À son avis, elles donnent néanmoins des munitions à la Réserve fédérale «pour mettre en place d'autres mesures de soutien à l'économie».
Les marchés mondiaux ont, sans surprise, reculé après le dévoilement des pires chiffres de l'emploi depuis un an aux États-Unis. À New York, le Dow Jones a perdu 2,18 % et le Nasdaq 2,59 %. Après deux semaines d'accalmie relative, les Bourses européennes et Wall Street ont elles aussi piqué du nez. Celle de Paris a ainsi terminé sur une chute de 3,59 %. Francfort a lâché 3,36 %, Londres 2,34 %, Milan 3,89 % et Madrid 3,40 %.
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Avec Agence France-Presse et Reuters