L'UPA veut protéger les terres agricoles contre les compagnies minières

Dans le cadre de l'étude du projet de loi, l'UPA recommande aussi que le droit d'exproprier un propriétaire foncier soit exercé par l'Assemblée nationale du Québec, «et non plus par le truchement de décrets ministériels en faveur d'entreprises privées».
Photo: - Le Devoir Dans le cadre de l'étude du projet de loi, l'UPA recommande aussi que le droit d'exproprier un propriétaire foncier soit exercé par l'Assemblée nationale du Québec, «et non plus par le truchement de décrets ministériels en faveur d'entreprises privées».

La réforme de la Loi sur les mines ne prévoit pour l'instant aucune protection supplémentaire pour les rares terres agricoles qui sont toujours exploitables au Québec. L'Union des producteurs agricoles (UPA) demande donc au gouvernement d'inclure dans le projet de loi 14 l'interdiction de tout développement minier en zone agricole.

L'UPA estime que les dispositions qui pourraient autoriser les municipalités à soustraire au développement minier les zones de villégiature et les territoires densément peuplés répondent «à juste titre» aux préoccupations des citoyens. «Il faut toutefois tenir compte du fait que cette soustraction éventuelle aura comme conséquence possible une pression additionnelle sur la zone agricole et forestière», prévient Pierre Lemieux, vice-président de l'UPA.

Il rappelle qu'à peine 2 % du territoire québécois est désigné comme agricole. Et déjà, d'année en année, des milliers d'hectares sont irrémédiablement rayés de la carte pour faire place à des projets résidentiels, commerciaux et industriels, notamment à la faveur de l'étalement urbain. Les terres où il demeure possible de faire de l'agriculture tendent donc à se raréfier un peu plus chaque année, selon M. Lemieux. «Raison de plus pour assurer la protection de ses terres pour fournir de l'alimentation de proximité aux Québécois, mais aussi pour protéger le patrimoine agricole des générations futures.» Pour l'UPA, il s'agit de la «prudence» la plus élémentaire.

M. Lemieux admet qu'il existe déjà la Commission de protection du territoire agricole et que les municipalités ont leur mot à dire avant le développement d'un projet. Mais il juge que les villes «n'en font pas assez». Qui plus est, «il ne faut pas laisser ce genre de décisions aux municipalités, parce que le territoire agricole représente une richesse collective».

L'ONU a déjà signalé à plusieurs reprises que les superficies de terres arables ne cessent de reculer dans le monde. Selon un rapport publié à l'automne 2010, jusqu'à 30 millions d'hectares de terres agricoles sont perdus chaque année en raison de la dégradation de l'environnement, de la conversion de ces terres à des fins industrielles ou de l'urbanisation croissante. Dans un contexte de bouleversements climatiques et de raréfaction des ressources hydriques, l'ONU a déjà prévu une multiplication des crises alimentaires au cours des prochaines années. Avec, à la clé, des hausses des prix des denrées de base. Et l'idée, aussi, qu'il faudra développer davantage l'agriculture de proximité.

Au cabinet du ministre responsable des mines, Serge Simard, on a simplement indiqué que les propositions de l'UPA faisaient partie d'un ensemble de recommandations présentées la semaine dernière lors de la commission parlementaire portant sur l'étude du projet de loi 14. «Il n'y a pas de décision de prise sur ce qu'on va faire de leurs recommandations», a fait valoir l'attaché de presse du ministre, Pierre-Olivier Lussier.

«Ce n'était pas dans les plans de retirer ces territoires-là, a-t-il ajouté. Nous nous sommes plus concentrés sur les territoires urbanisés et ceux consacrés à la villégiature.» L'examen article par article du projet de loi devrait débuter à la fin du mois de septembre ou au début du mois d'octobre.

Expropriation

Dans le cadre de l'étude du projet de loi, l'UPA recommande aussi que le droit d'exproprier un propriétaire foncier soit exercé par l'Assemblée nationale du Québec, «et non plus par le truchement de décrets ministériels en faveur d'entreprises privées».

Selon le syndicat agricole, «divers promoteurs utilisent l'argument de leur capacité à exproprier afin de faire signer des ventes, des baux, des servitudes ou des autorisations d'accès à rabais aux propriétaires fonciers. Voilà un comportement inacceptable, même si, heureusement, on n'a prononcé qu'un faible nombre d'expropriations ces dernières décennies».

Le gouvernement se retrouve toutefois dans une position délicate. Il a certes lancé un ambitieux Plan Nord qui sera financé en grande partie par des deniers publics. Le premier ministre revient aussi d'une mission en Asie pour vanter les opportunités d'affaires pour le secteur minier au Québec. Mais il a par ailleurs dû subir les foudres du lobby minier, qui n'accepte pas l'inclusion dans le projet de loi 14 d'une disposition qui permettrait aux municipalités d'exclure l'exploitation de mines dans des zones urbanisées ou dédiées à la villégiature. Cette mesure concernerait moins de 1 % de tout le territoire du Québec.

Le Parti québécois n'entend pas appuyer la réforme, puisque celle-ci ne fait aucunement mention des redevances que les minières doivent verser à l'État. Les péquistes, l'Action démocratique, des économistes et des groupes écologistes souhaitent revoir le régime actuel, jugé très désavantageux pour le trésor public.

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