Le Canada au bord de la récession

Ottawa — L'économie canadienne frappe aux portes de la récession, selon la définition classique de deux trimestres consécutifs de recul du PIB. L'activité économique s'est contractée au deuxième trimestre, notamment en raison d'un recul des exportations. Tant les économistes que le ministre des Finances, Jim Flaherty soutiennent affirmé qu'il n'y avait pas lieu pour le moment de craindre une nouvelle récession. Mais les prévisions pour els prochains trimestres sont revues à la baisse.
Selon Statistique Canada, le PIB réel du pays a diminué de 0,1 % au deuxième trimestre, terminé le 30 juin, après avoir augmenté de 0,9 % le trimestre précédent. Exprimé en taux annualisé, le PIB réel a diminué de 0,4 %. Le résultat est en-deçà des attentes des analystes qui misaient sur une croissance neutre. L'agence a par ailleurs revu à la baisse ses calculs pour le premier trimestre. Elle estime désormais que le PIB a crû de 3,6 % en taux annualisé, plutôt que de 3,9 %.Il s'agit de la première contraction de l'économie canadienne après sept trimestres consécutifs de croissance depuis la fin 2009, date de sortie de la récession pour le pays. En comparaison, le PIB a progressé de 1 % en rythme annuel au deuxième trimestre aux États-Unis, premier client du Canada qui cherche actuellement à diversifier ses exportations vers l'Asie, l'Europe et l'Amérique latine.
Le ministre Flaherty a assuré hier que ces données concordaient «à peu près» aux prévisions contenues dans son budget. Il a dit s'attendre à une croissance modeste pour la deuxième moitié de l'année. «Comme nous le savons tous, la croissance de l'économie mondiale a été faible ces derniers mois, et cela a eu un impact sur le Canada, en tant que nation faisant partie de l'économie mondiale», a-t-il déclaré à Toronto à l'occasion d'une visite de la School of Image Arts de l'Université Ryerson.
«Nous traversons une période où la reprise de l'économie mondiale, surtout aux États-Unis et en Europe, est fragile et où la croissance sera modeste», a-t-il ajouté. «Les données publiées aujourd'hui (hier) nous indiquent que notre économie demeure forte et que la consommation de même que les investissements des entreprises continuent de croître.»
Du côté du Parti libéral, le chef intérimaire Bob Rae a argué que la contraction de l'économie était la preuve que le ministre Flaherty nie la réalité quant à la situation économique du pays. Accusant les conservateurs d'avoir une mauvaise stratégie pour y répondre, en martelant qu'il faut maintenir les impôts à un bas niveau et couper dans le gouvernement, M. Rae a fait valoir qu'il fallait au contraire privilégier la création d'emplois, entre autres en investissant dans les infrastructures.
«Ça prend de la part de M. Flaherty d'abord la reconnaissance franchement qu'il a eu tort. (...) On n'a pas le luxe aujourd'hui d'avoir un gouvernement qui ne reconnaît pas la nature du problème», a dénoncé le leader libéral en appelant le ministre des Finances à élaborer un plan qui tient compte du ralentissement économique.
M. Rae réclame que le gouvernement conservateur retarde les coupes de 4 milliards qu'il prévoit réaliser d'ici 2014-2015, des «coupes idéologiques» qui, a-t-il accusé, visent l'environnement et les réglementations essentielles du gouvernement en santé ou en alimentation. Il a également réclamé — comme le font les libéraux depuis des mois — que les conservateurs annulent les baisses d'impôts consenties aux plus grandes entreprises.
Les économistes s'attendaient à ce que l'économie ait stagné au deuxième trimestre. La petite contraction révélée hier par Statistique Canada ne semble pas les avoir pris par surprise.
Diana Petramala, de la Banque TD, a indiqué qu'elle ne prévoyait pas de décroissance du PIB pour le troisième trimestre. «Cela dit, la reprise de la deuxième moitié de 2011 ne sera pas robuste», a-t-elle écrit dans une note envoyée à des clients.
«Les exportations ont chuté de manière importante, mais en contrepartie les stocks ont augmenté, c'est donc clair qu'il y a eu un problème au niveau de l'approvisionnement au deuxième trimestre», a ajouté Benoît P. Durocher, économiste au Mouvement Desjardins. «Des facteurs temporaires ont tiré l'économie vers le bas (...) Nous envisageons un troisième trimestre meilleur», a renchéri Jennifer Lee, vice-présidente à la Banque de Montréal.
Pour la CIBC, «les perturbations dans les secteurs de l'automobile et de l'énergie ont eu un impact négatif sur les exportations. Cela devrait être effacé au troisième trimestre. Le PIB devrait donc retourner dans le positif», a commenté Avery Shenfeld. M. Durocher estime également que l'économie canadienne devrait connaître un «rebond» au troisième trimestre, mais «rien de miraculeux» car si des «facteurs temporaires» du deuxième trimestre sont écartés, l'incertitude persiste sur la croissance en Europe et aux États-Unis.