Bourses - Montréal profitera de la fusion

Xavier Rolet: «Je suis surpris de la critique envers notre projet, qui est en fait l’internationalisation de la Bourse de Montréal.»
Photo: - Le Devoir Xavier Rolet: «Je suis surpris de la critique envers notre projet, qui est en fait l’internationalisation de la Bourse de Montréal.»

Le chef de la direction de la Bourse de Londres, Xavier Rolet, était au Canada cette semaine pour rencontrer des actionnaires du Groupe TMX afin de les convaincre d'appuyer le mariage proposé par Londres. Hier, Le Devoir a pu profiter de son passage à Montréal pour s'entretenir avec lui.

Xavier Rolet, qui dirige la Bourse de Londres depuis mai 2009, affirme que, si la transaction avec le Groupe TMX fonctionnait, les activités que mène la Bourse de Montréal dans le créneau des produits dérivés — et donc les quelque 220 emplois — ne sont pas menacées par un déménagement.

«Non seulement les emplois vont rester, mais ils vont croître», a-t-il déclaré hier lorsque Le Devoir l'a rencontré autour d'un sandwich entre deux rendez-vous. M. Rolet a passé la semaine en Alberta, à Toronto et à Montréal pour prendre contact avec des actionnaires du Groupe TMX en vue du vote crucial prévu le 30 juin.

Cette affirmation n'a rien de banal parce que les acteurs financiers qui ont récemment mis en avant une proposition rivale, élaborée par quatre banques et cinq caisses de retraite, s'interrogent sans gêne sur l'avenir de Montréal au sein d'un tel géant boursier. La question sera aussi au coeur des discussions lors des audiences publiques qui seront menées le mois prochain par l'Autorité des marchés financiers.

La Bourse de Montréal compte environ 220 personnes, dont des experts en options et en contrats à terme, mais, surtout, une majorité de spécialistes en technologies de l'information. La Bourse a notamment conçu une plateforme de négociations qu'elle a vendue à quelques clients dans le monde. En 2008, la Bourse de Toronto l'a acquise pour 1,3 milliard, ce qui avait causé des remous dans le milieu des affaires, qui s'inquiétait des garanties qu'offrirait Bay Street concernant la pérennité des activités rue Saint-Jacques.

Français d'origine, M. Rolet, qui a de la famille à Montréal, tentera au cours des prochaines semaines de convaincre les actionnaires du TMX et les acteurs réglementaires que l'offre de mariage est dans l'intérêt de tous. Déjà, les deux conseils d'administration ont donné leur bénédiction.

De plus, le projet a franchi une nouvelle étape hier lorsque le Bureau fédéral de la concurrence a indiqué aux deux qu'il n'entend pas contester la transaction.

Tremplin pour Montréal

Le TMX, qui possède les Bourses de Toronto et de Montréal en plus d'une Bourse de croissance dans l'Ouest canadien, aurait l'occasion de prendre un nouvel envol, car l'union avec Londres propulserait la nouvelle entité dans un club sélect de grands marchés mondiaux, selon M. Rolet. Il y a là un tremplin pour l'expertise de Montréal, dit-il.

«Je suis surpris de la critique envers notre projet, qui est en fait l'internationalisation de la Bourse de Montréal, dit M. Rolet. La Bourse de Montréal sera aux commandes. Que pensent les employés? Ils sont très enthousiastes. Ils veulent démarrer ce processus. Alors que le projet de Maple me paraît être un retranchement sur le marché domestique.»

D'ici le 30 juin, toutefois, cette offre concurrente devrait voir le jour. Le Groupe Maple, auquel participent notamment la Banque TD, la Caisse de dépôt et placement et la Banque Nationale, entend s'adresser directement aux actionnaires du TMX avec une offre estimée à 3,6 milliards. Celle de Londres vaut environ 3,5 milliards.

L'offre de Londres a été présentée comme une «fusion entre égaux». Or le conseil d'administration de la nouvelle entité se composerait comme suit: sept Canadiens (dont un Québécois), cinq Britanniques et trois Italiens. Les actionnaires du LSE posséderaient 55 % de la nouvelle société, contre 45 % pour ceux du TMX.

«C'est une combinaison d'actifs, dit M. Rolet. Les Bourses elles-mêmes, leur cadre réglementaire, le personnel, la gestion, vont rester les mêmes.»

L'offre de Maple, soutient M. Rolet, est «un retranchement», car elle ne permettrait pas à Montréal de prendre sa place sur la scène mondiale. Bien qu'il dise avoir beaucoup de respect pour Luc Bertrand, qu'il a rencontré il n'y a pas si longtemps, l'offre n'est toujours pas officielle et comporte des incertitudes.

Horreur du Nasdaq

Selon M. Rolet, le fait que le London Stock Exchange Group se trouve en Europe est une garantie pour les activités canadiennes. Question de fuseaux horaires, dit-il. Ce qui serait dangereux, c'est un scénario d'acquisition du TMX par le Nasdaq.

«Une fusion avec les Américains ne fonctionnerait pas. Vous êtes dans les mêmes fuseaux horaires. Les Américains sont obnubilés par les synergies de coûts. Si vous fusionnez le TMX avec le Nasdaq ou la Bourse de New York, peu importe, la première chose, ça va être de fusionner les centres de données, qui vont descendre aux États-Unis. C'est là que vous auriez des pertes d'emplois.»

«Nous, on opère dans deux zones géographiques totalement différentes. On ne peut pas gérer les activités canadiennes ou nord-américaines avec un centre de données européen, ou vice-versa», a dit M. Rolet.

Le chef de la direction de la Bourse de Londres sera de retour à Montréal sous peu, notamment le 15 juin, pour prononcer une allocution devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain avec le patron du TMX, Tom Kloet.

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