L'entretien continuera de se faire au pays, dit Air Canada

Le gouvernement Harper ne voit franchement pas pourquoi il faudrait renforcer une loi vieille de presque 25 ans censée garder au Canada les emplois d'entretien des appareils d'Air Canada même si les travailleurs craignent qu'ils ne s'envolent bientôt pour le Salvador, ou encore d'autres cieux.

Au moment de privatiser Air Canada en 1988, le gouvernement conservateur de Brian Mulroney avait fait inscrire trois obligations dans la loi: que la compagnie maintienne des services dans les deux langues officielles, qu'elle garde son siège social à Montréal et qu'elle maintienne ses centres d'entretiens légers et lourds dans les villes de Winnipeg, Mississauga et Montréal.

«C'était il y a presque un quart de siècle», a déclaré en comité parlementaire mardi le ministre canadien des Transports, Chuck Strahl, en réponse aux députés de l'opposition qui lui soumettaient l'idée d'un resserrement de cette loi dite «sur la participation publique au capital d'Air Canada» afin d'en assurer le respect de l'esprit autant que sa lettre. Le gouvernement cherchait alors à protéger les importants investissements qu'il avait faits dans la société d'État, a-t-il dit. «Je vous demande s'il serait [aujourd'hui] dans le meilleur intérêt de notre industrie aérienne de sortir une compagnie du lot, une compagnie aujourd'hui privée, et lui imposer de nouvelles contraintes législatives? Je ne pense pas que ce serait très sage.»

Cette demande des députés de l'opposition découlait de craintes des travailleurs directement concernés. Après s'être mise sous la protection de la loi sur la faillite, Air Canada a été divisée en 2004 en différentes filiales placées sous la gouverne d'une société appelée ACE Aviation. Cette société a entre autres vendu au privé ses activités d'entretien lourd qui sont devenues, en 2008, la société privée Aveos, dont Air Canada détient aujourd'hui moins de 20 % des parts. Le Conseil canadien des relations industrielles a consacré cette rupture en janvier en forçant la constitution d'une unité syndicale distincte et en laissant aux travailleurs jusqu'à la mi-avril pour choisir s'ils poursuivent leur route avec Aveos ou s'ils resteront avec Air Canada en sachant qu'ils y seront probablement forcés à prendre leur retraite.

On dit craindre qu'Aveos déménage une partie du travail d'entretien dans ses centres aux États-Unis ou en Amérique centrale, aussitôt que se terminera son actuel contrat avec Air Canada en 2013. Les coûts de la main-d'oeuvre de son centre de révision Aeroman au Salvador atteignent à peine 15 % du salaire moyen de 60 000 $ par année, versé par exemple à ses 800 techniciens et anciens employés d'Air Canada à Montréal.

«On n'a aucune chance de garder nos emplois si Aveos est libre de choisir où elle fera le travail», estime Marcel St-Jean, président de la section locale 1751 de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale. À terme, dit-il, ce sont les emplois de l'ensemble des 4500 techniciens d'Aveos et d'Air Canada, dont 2800 à Montréal seulement, qui sont menacés.

Anciennes promesses

Air Canada et Aveos se font rassurants. «Tous les services de maintenance dispensés par Aveos pour Air Canada sont assurés au Canada, a déclaré la compagnie aérienne dans un communiqué, la semaine dernière. Air Canada n'a pas l'intention de confier des travaux de maintenance de cellules à Aeroman [...]. Air Canada se conforme et continuera de se conformer à la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada.»

Le syndicat voudrait que le gouvernement invoque la loi pour forcer Air Canada à reprendre le contrôle de ses activités d'entretien en acquérant, notamment, une majorité des parts d'Aveos. Des manifestations sont prévues, mercredi, dans plusieurs aéroports du pays.

Le gouvernement Harper et Air Canada rejettent l'idée du revers de la main. «On nous a assuré qu'il n'y aura aucune perte d'emploi. [...]Le plan de restructuration d'Air Canada, et la cession de ses activités d'entretien à d'autres acteurs privés, a été entériné par tout le monde, y compris par les employés et leurs syndicats», a martelé cette semaine le ministre Chuck Strahl.

Le député bloquiste et vice-président du Comité permanent des transports, Michel Guimond, plaide plutôt pour un amendement à la loi qui viendrait réaffirmer l'objectif initial de la loi. «On nous assure que nous n'avons rien à craindre et que la loi sera respectée. On ne devrait pas voir de problème, dans ce cas, à ce que l'on précise sa disposition garantissant que les emplois d'entretien resteront au Québec et au Canada, comme tout le monde l'avait dit et promis à l'époque.»

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