Emprunt hypothécaire - Les nouvelles règles de Flaherty sont bien accueillies

Inquiet par l'endettement croissant des Canadiens, Ottawa resserre d'un autre cran les règles d'emprunt hypothécaire. Qualifiées de relativement modestes, ces nouvelles mesures ont été plutôt bien accueillies hier.
Le gouvernement fédéral a annoncé trois changements de règles. Le premier consiste à raccourcir à 30 ans la durée maximale des nouveaux prêts hypothécaires garantis par la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL). De plus en plus longue depuis quelques années, cette période d'amortissement allait parfois jusqu'à 40 ans lorsqu'Ottawa a décidé, en octobre 2008, d'y fixer un premier plafond à 35 ans.Ottawa réduit aussi le montant maximal pouvant être emprunté lors du refinancement d'une hypothèque. Ramenée de 95 % à 90 % de la valeur de l'habitation en avril dernier, cette limite est abaissée de nouveau à 85 % cette fois.
Troisièmement, Ottawa cessera d'offrir une garantie d'assurance aux différentes formes de lignes de crédit garanties par l'habitation, telles que les marges de crédit hypothécaires. Au cours des dernières années, les Canadiens avaient de plus en plus recours à cette forme de crédit pour s'acheter des biens de consommation n'ayant souvent aucun rapport avec l'achat de leur maison, a expliqué hier en conférence de presse le ministre des Finances, Jim Flaherty.
«Ces mesures vont rendre la propriété résidentielle plus sûre, plus viable et abordable pour les familles canadiennes et éviter qu'elles tombent dans le piège du surendettement», a déclaré son collègue aux Ressources naturelles, Christian Paradis, qui était à ses côtés. Les deux premiers changements doivent entrer en vigueur le 18 mars, et le troisième un mois plus tard.
Ce n'est pas que le nombre de Canadiens pris en défaut de paiement soit aujourd'hui tellement grand (bien inférieur à 1 %) ni qu'il menace d'exploser, a précisé Jim Flaherty. «La plupart des Canadiens sont prudents. [...] Mais d'autres empruntent le plus qu'ils peuvent alors que les taux d'intérêt sont au plus bas, et nous savons que ces taux augmenteront. [...] Ces gestes ont un objectif à long terme qui est d'éviter même le début de l'apparition de problèmes qui ont affligé d'autres pays.»
Le gouvernement fédéral a procédé à d'autres resserrements des règles en matière d'emprunts hypothécaires depuis deux ans. Une mise de fonds minimale de 5 % du prix de vente est désormais exigée, par exemple, pour acheter une maison. Un acheteur ne peut pas contracter d'hypothèque s'il n'a pas les moyens d'obtenir un prêt hypothécaire de 5 ans à taux d'intérêt fixe pour une période d'amortissement de 25 ans.
Bon accueil
Ces nouvelles réformes ont été plutôt bien reçues par les gens du secteur et les analystes. Représentante de l'industrie hypothécaire, l'Association canadienne des conseillers hypothécaires accrédités (ACCHA) a notamment salué ces efforts pour assainir les finances des ménages et réduire le poids de leurs hypothèques sans pour autant augmenter la mise de fonds minimale exigée. On aurait toutefois préféré que le gouvernement laisse la durée maximale d'amortissement à 35 ans et l'on exprime le souhait que cette décision soir revue lorsque l'économie aura gagné des forces.
Option consommateurs s'est également réjouie de l'annonce d'hier, a rapporté La Presse canadienne. On aurait toutefois préféré que le gouvernement exige également des institutions financières qu'elles tiennent mieux compte de l'ensemble des dépenses auxquelles font face les ménages et non pas seulement les paiements de crédits attendus.
«Les Canadiens ne sont pas sur le point de subir une crise hypothécaire semblable à celles qu'ont connues les Américains», a précisé l'économiste de la Banque CIBC, Avery Shenfeld, dans ses prévisions économiques. Les dirigeants politiques canadiens ont néanmoins entrepris de ramener étape par étape le train de vie des ménages canadiens sur des bases financières plus solides.
Marge de manoeuvre pour Carney
L'annonce d'hier par le gouvernement fédéral libérera la Banque du Canada d'un fardeau, ont observé plusieurs analystes. Depuis quelques semaines, la pression se faisait de plus en plus forte, en effet, pour que Mark Carney reprenne la hausse des taux d'intérêt interrompue cet automne afin de calmer les ardeurs des consommateurs canadiens dont le taux d'endettement approche les 150 % des revenus disponibles.
«Cela redonne de la marge de manoeuvre à la Banque du Canada», a observé l'économiste Stéfane Marion, la Financière Banque Nationale.
La banque centrale canadienne doit annoncer ce matin si elle laissera, comme tout le monde le prévoit, son taux directeur à 1 %.