Relations commerciales canado-américaines - Un premier choc sérieux dans la trêve du bois d'oeuvre?

Un nouveau chapitre pourrait bientôt s'ouvrir dans la guerre commerciale que le Canada et les États-Unis se livrent depuis des décennies au sujet du bois d'œuvre.
Selon le quotidien The Oregonian, de Portland en Oregon, des politiciens de la côte ouest des États-Unis, exprimant les doléances des producteurs de leur région, font pression pour que Washington combatte ce qu'ils estiment être des subventions versées illégalement à leurs concurrents canadiens de Colombie-Britannique.Des plaintes pourraient même être déposées dès cette semaine devant le Tribunal d'arbitrage international à Londres, selon cette même source. Il s'agirait de la première salve à être tirée depuis qu'une entente a donné lieu en 2006 à une certaine accalmie dans le milieu forestier canado-américain.
Comme toujours, le litige gravite autour des droits de coupe, c'est-à-dire du prix que les producteurs canadiens doivent payer à l'État pour le bois qu'ils prélèvent dans les forêts publiques.
Cette fois-ci, le lobby américain du bois d'oeuvre estime que la Colombie-Britannique classe indûment plusieurs arbres de ses forêts comme du bois «de récupération», permettant ainsi aux producteurs de cette province d'exporter à très bas prix des poutres et madriers au sud de la frontière.
Le tout dans un contexte où la demande pour le bois de charpente, qui a déjà atteint six milliards de dollars par an aux États-Unis, s'est contractée en raison d'une crise économique liée à un effondrement du prix des maisons. Le Canada occupe une part d'environ 28 % du marché américain du bois d'oeuvre.
Une entreprise de l'Oregon attribue aux pratiques britanno-colombiennes la fermeture d'une de ses scieries en 2007. Regroupés au sein de la Coalition for Fair Lumber Imports, les producteurs de bois d'oeuvre américains affirment que le gouvernement de la Colombie-Britannique impose parfois aux producteurs locaux des droits de coupe cinquante fois trop bas en faisant passer des arbres propres à la fabrication de matériaux de construction pour des arbres destinés à la production de pâtes et papiers.
Tant les producteurs que les politiciens de la Colombie-Britannique contestent les affirmations américaines. Le ministre des Forêts de cette province, Pat Bell, a affirmé que rien n'a changé dans le système de classification des arbres ou dans la façon dont celui-ci est appliqué. Si les scieries canadiennes paient certains arbres de grande taille moins cher, c'est parce que ceux-ci ont été récupérés dans des forêt dévastées par un parasite, le dendroctone du pin, soutient-il.
Une vieille querelle
La querelle du bois d'oeuvre entre le Canada et les États Unis est presque aussi vieille que les deux pays. La phase moderne du conflit remonte à 1982. Cette année-là, les producteurs américains s'étaient plaints au sujet de présumées subventions déguisées au Canada et avaient réclamé des droits compensateurs, mais leur propre ministère du Commerce avait rejeté la plainte après enquête. Le lobby du bois est cependant revenu à la charge à plusieurs reprises par la suite, obtenant l'imposition de droits compensateurs et de quotas sur les importations de bois canadien aux États-Unis.
Washington et Ottawa ont signé en 2006 un accord qui vaut en principe jusqu'en 2013, mais auquel chaque partie a le droit de mettre fin avant terme. Dans le cadre de cette entente, les entreprises frappées de tarifs douaniers ont pu récupérer les quatre cinquièmes des droits perçus par les autorités américaines. De son côté, le Canada a accepté d'imposer une taxe à la frontière lorsque le prix du bois d'oeuvre descend sous un certain seuil.
Dans un communiqué publié à la fin de l'année 2010, l'Association canadienne des produits forestiers a annoncé un probable retour à la rentabilité en raison de progrès technologiques réalisés dans l'industrie ainsi que d'une croissance de la demande pour le bois d'oeuvre, les pâtes et les papiers spéciaux, notamment dans les pays émergents. Le Canada est le plus important exportateur de produits forestiers dans le monde, même si cette industrie a connu récemment des années difficiles.
En ce qui concerne le bois d'oeuvre, les exportations canadiennes vers l'Extrême-Orient dépassent dorénavant celles destinées aux États-Unis.