L'idée de créer une Agence européenne de la dette refait surface - La zone euro tourne en rond

Le directeur du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn, et le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, photographiés hier lors de la rencontre des ministres des Finances de la zone euro.
Photo: Agence France-Presse (photo) George Gobet Le directeur du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn, et le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, photographiés hier lors de la rencontre des ministres des Finances de la zone euro.

Attentisme, augmentation du fonds de secours, création d'émissions obligataires communes, intervention plus musclée de la Banque centrale européenne... les pays de la zone euro sont apparus divisés hier sur les suites à donner à leurs efforts de stabilisation de la zone monétaire commune.

Les ministres des Finances des 16 pays membres de la zone euro se sont réunis à Bruxelles sur fond de tensions persistantes sur les marchés. «Nous n'avons rien de nouveau à annoncer», a déclaré au nom de tous leur chef de file, le Luxembourgeois Jean-Claude Junker, au sortir de la réunion qui a quand même duré cinq heures.

De nombreux changements avaient pourtant été réclamés de part et d'autre avant la rencontre des membres de l'Eurogroupe. Le ministre des Finances de la Belgique, Didier Reynders, en avait notamment appelé, ce week-end, à l'augmentation du Fonds européen de stabilisation financière (FESF) de 750 milliards d'euros mis en place ce printemps pour venir en aide aux pays trop malmenés par les marchés à cause de leurs dettes. Selon des sources, l'un des contributeurs à ce fonds de secours, le Fonds monétaire international (FMI), avait exprimé le même souhait de peur que les marchés ne le jugent pas suffisant dans le cas où il ne faudrait plus seulement venir en aide à de petits pays, comme la Grèce, l'Irlande et le Portugal, mais aussi à de plus gros, comme l'Espagne.

«Il reste assez de ressources pour gérer d'autres cas pertinents au besoin», a répété en conférence de presse le directeur du FESF, Klaus Regling, après avoir expliqué la même chose aux ministres de l'Eurogroupe. Cet argument, ou l'opposition de plusieurs pays, dont l'Allemagne, à toute augmentation du Fonds, a remporté la mise. «Nous ne voyons pas de nécessité d'agir immédiatement», a rapporté à ce sujet Jean-Claude Junker, en fin de réunion.

Obligations européennes

Le président de l'Eurogroupe lui-même, et le ministre italien des Finances, Giulio Tremonti, avaient plaidé, quant à eux, dans le Financial Times du matin, pour la création d'une Agence européenne de la dette habilitée à émettre des obligations qui remplaceraient en partie celles émises par les gouvernements. L'idée, qui n'est pas nouvelle, se voudrait un moyen d'aider les pays européens aux prises avec des difficultés de financement (voir autre texte en page B 1).

Bénéficiant des taux obligataires les plus bas en raison de sa taille et de sa santé financière, l'Allemagne n'a pas été longue à rejeter le projet, suivie par plusieurs autres, dont l'Autriche et la Commission européenne. De telles obligations européennes «ne permettraient pas de concurrence entre les taux d'intérêt» attachés à la dette des pays, a souligné à Berlin la chancelière Angela Merkel. Or «la concurrence des taux d'intérêt est une incitation à respecter les critères de stabilité», a-t-elle ajouté.

Les membres de l'Eurogroupe ont déjà convenu que leur Fonds de secours temporaire céderait la place, à partir de 2013, à un mécanisme permanent de gestion des crises appelé Mécanisme européen de stabilité (MES). Ils devaient hier travailler sur la taille et le mode de son financement qui doit entre autres reposer sur la participation du secteur privé. La Commission européenne pourrait présenter un projet d'ensemble dans les prochaines heures sur laquelle les dirigeants des 27 pays de l'Union européenne seraient amenés à discuter la semaine prochaine.

Accusée par plusieurs de ne pas en faire assez pour soutenir le marché obligataire européen chahuté par les investisseurs, la Banque centrale européenne (BCE) a rapporté hier avoir acheté pour 1,965 milliard d'euros d'obligations de pays européens au cours de la semaine passée. Ce chiffre représente une augmentation de 46 % par rapport aux 1,345 milliard d'euros dépensés la semaine précédente qui était déjà le montant hebdomadaire le plus élevé depuis des mois.

Des statistiques

On attend maintenant avec impatience le dévoilement des prochaines statistiques qui couvriront la semaine qui a commencé avec la dernière réunion de politique monétaire de la banque centrale, vendredi. Les observateurs du monde financier soupçonnent que des achats d'obligations encore plus importants de la BCE sont responsables de la soudaine accalmie des marchés obligataires.

Les primes de risque demandées par les investisseurs pour détenir des titres d'emprunt portugais, espagnols et italiens plutôt que des Bunds allemands, ont tout de même légèrement augmenté hier. L'euro, quant à lui, est reparti à la baisse par rapport au dollar américain, plombé par des craintes persistantes d'une contagion de la crise de la dette en Europe. L'euro valait 1,3304 $US, quelques minutes après la fin de la réunion de l'Eurogroupe, contre 1,3415 $US à la même heure vendredi soir.

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avec l'Agence France-Presse, Associated Press, la BBC et Reuters

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