Le G20 à Séoul - Impasse au sommet

Barack Obama aimerait bien que les États-Unis sortent du marasme.
Photo: Agence Reuters Jim Young Barack Obama aimerait bien que les États-Unis sortent du marasme.

Déception. Le mot était en vogue hier pour décrire les réactions devant l'absence de mesures concrètes à l'issue du sommet du G20. Mais le fond du débat — l'écart entre les pays qui épargnent et ceux qui dépensent — pourrait faire l'objet de discussions pendant des années encore.

Certains avaient parié que le communiqué final de ce cinquième sommet depuis la crise financière de 2008 ne serait rien d'autre qu'un cocktail sans mordant, un document cherchant ni plus ni moins qu'à démontrer qu'il y a un consensus, mais sans grand engagement immédiat. Ils ont eu raison. Le sujet du jour — la guerre des devises et les déséquilibres mondiaux entre les grandes économies — ne date pas d'hier.

«La question des devises, ça fait des années que c'est dans le décor», dit Ivan Savic, chercheur principal au groupe de recherche sur le G20 à l'Université de Toronto. «Ça va prendre du temps pour trouver des solutions.»

En effet. Le phénomène des déséquilibres mondiaux, cet écart grandissant entre les économies qui épargnent et celles qui dépensent, retient l'attention depuis des années. Un exemple? En mars 2006, le gouverneur de la Banque du Canada de l'époque, David Dodge, y allait de son propre appel à l'action.

«Nous faisons tous partie de l'économie mondiale. Une perturbation économique majeure, comme la correction désordonnée des déséquilibres mondiaux, se répercutera sur tous les pays», a-t-il dit lors d'un discours devant la New York Association for Business Economics. «Nous devons agir ensemble maintenant afin de réduire au maximum les risques d'une telle perturbation. À l'échelle nationale, les décideurs doivent favoriser le bon fonctionnement des marchés des biens, des services, des capitaux et du travail. Sur la scène internationale, les décideurs doivent établir un cadre permettant une résolution des déséquilibres mondiaux qui soit harmonieuse et fondée sur le marché», a-t-il ajouté.

Aux antipodes

Quatre ans et demi et une crise financière majeure plus tard, le problème a pris de l'ampleur et les solutions tardent toujours à se profiler. D'un côté, la Chine est maintenant une puissance exportatrice gigantesque avec une population épargnante sans égal. Certains voudraient que la Chine laisse sa monnaie prendre de la valeur. De l'autre, les États-Unis dépensent plus que jamais et financent leurs déficits en vendant des obligations aux investisseurs étrangers, dont la Chine. Le principal reproche envers Washington? On l'accuse de menacer l'équilibre mondial en favorisant la faiblesse du dollar avec les gestes de la Fed.

Parmi les autres pays qui enregistrent de gros excédents commerciaux (qui exportent plus qu'ils n'importent) figurent l'Allemagne, le Japon, la Russie et les pays producteurs de pétrole. Le Canada, pour sa part, affiche des déficits commerciaux. Or, pour rétablir un certain équilibre, par exemple, les analystes rappellent que la Chine aurait à stimuler sa consommation intérieure, à dépendre moins des exportations, et aussi à modifier radicalement le fonctionnement de son système bancaire. En gros, un bouleversement majeur de l'ordre établi.

Dans la foulée de la crise, le G20 s'est vite réuni autour de sujets qui recueillaient un consensus plutôt large. La refonte d'un certain nombre de règles et de balises financières était nécessaire. Les mesures de relance ont suivi, ce qui a donné lieu à un débat sur l'importance à leur accorder et le moment où il faudrait y mettre un terme.

Contexte différent

La donne a maintenant changé. La récession et la reprise inégale de l'économie mondiale, qui se manifeste à des rythmes différents ici et là, ont compliqué les choses. «Le consensus autour d'une façon d'attaquer les problématiques structurelles mondiales est de plus en plus insaisissable», a écrit cette semaine l'équipe d'économistes de la Banque TD. Le G20 a été capable d'adopter sa réforme de la réglementation financière, mais la question des déséquilibres et des devises «est encore plus décourageante». «L'altération de la dynamique qui influence les déséquilibres est un processus qui prendra des années, peut-être même des décennies», a ajouté la Banque TD.

Selon ce que rapportait la presse financière présente au sommet hier, le Canada, les États-Unis et la Grande-Bretagne auraient beaucoup insisté pour que le communiqué final contienne au moins quelque chose de nouveau afin d'éviter un recul collectif.

«Certains progrès qui ont été réalisés portent sur des choses qui n'ont pas retenu beaucoup l'attention dans les médias au cours des derniers jours, dit toutefois M. Savic. Des choses comme la réforme du Fonds monétaire international, l'adoption des règles de Bâle III, les engagements à l'égard du développement international, etc.»

Selon le chercheur, on a tendance à mettre beaucoup l'accent sur les sommets des dirigeants, qui ont lieu tous les six mois. «Ce que les gens ignorent, c'est qu'il y a toutes sortes de rencontres qui ont lieu à un niveau inférieur, notamment avec les "sherpas" et les comités», dit-il.

Ces échelons inférieurs de l'appareil politique doivent maintenant s'atteler à un travail énorme. Le communiqué final indique que l'évaluation des déséquilibres sera impartie aux ministres des Finances et aux dirigeants des banques centrales, lesquels devront déterminer la nature et les causes du phénomène. Mais surtout, ils devront tenir compte des circonstances propres à chaque pays. Lourde tâche.

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