États-Unis - Enquête sur les saisies immobilières
New York — Les 50 États américains ont lancé hier une enquête conjointe sur les pratiques du secteur du crédit immobilier, une initiative qui pourrait, selon certains spécialistes, menacer la reprise des ventes de logements.
L'enquête ouverte par les procureurs généraux des États porte sur les allégations selon lesquelles certaines banques auraient utilisé des documents ne respectant pas la réglementation pour saisir des logements durant la crise immobilière, l'un des effets les plus visibles de la récession de 2007-2009.«Nous en sommes à la quatrième année de la crise économique et immobilière provoquée par la négligence du secteur du crédit hypothécaire», a déclaré dans un communiqué le procureur général du Minnesota, Lori Swanson. «Les dernières allégations faisant état de raccourcis et d'erreurs dans les documents sont troublantes mais sans doute pas surprenantes.»
Les procureurs généraux vont étudier les pratiques des sociétés qui collectent tous les mois les remboursements de crédit en utilisant des «signataires-robots», des personnes signant quotidiennement plusieurs centaines de documents. Ces personnes sont accusées de ne pas avoir correctement lu les pièces qu'elles ont signées.
«[L'utilisation de ce procédé] peut constituer un acte trompeur et/ou une pratique abusive, voire enfreindre la loi», déclarent les procureurs généraux dans leur communiqué commun.
Ce débat est à replacer dans le cadre de la campagne des élections du 2 novembre prochain aux États-Unis, un scrutin lors duquel les membres de la Chambre des représentants, une partie des sénateurs mais aussi une bonne partie des procureurs remettront leur mandat en jeu.
Avant l'annonce des procureurs, JPMorgan Chase, la deuxième banque du pays, a reconnu que son enquête interne sur les déclarations sous serment à l'appui de ses saisies immobilières avait soulevé certaines questions. Mais le groupe s'est dit «assez confiant» sur la régularité de ces procédures. «Nous n'expulsons pas des gens qui méritent de rester dans leur logement», a assuré le directeur général du groupe, Jamie Dimon, lors d'une conférence de presse après la publication des résultats trimestriels.
JPMorgan fait partie des trois établissements hypothécaires ayant partiellement suspendu leurs saisies le temps d'une enquête sur leurs procédures. Bank of America, plus grand établissement de crédit hypothécaire américain, a quant à lui suspendu toute saisie le temps de son enquête.
Les banques souhaitent résoudre au plus vite ce problème. Certains agents immobiliers font état de l'inquiétude des acquéreurs potentiels de logements saisis par les banques, alors que l'acquisition de ce type de biens pourrait être remise en question.
Un ralentissement des ventes de logements saisis pourrait handicaper la reprise déjà fragile du marché immobilier. Aux États-Unis, un logement sur quatre vendu au deuxième trimestre était en effet un bien saisi, selon le cabinet spécialisé RealtyTrac.
Cette enquête survient en outre à un mauvais moment pour les banques, qui tentent toujours de restaurer leur image écornée par la crise financière et leurs prises de risque excessives. Elle pourrait favoriser un durcissement de l'encadrement d'un secteur déjà confronté à de nouvelles réglementations.
Plusieurs parlementaires ont réclamé ces derniers jours un moratoire total sur les saisies au niveau fédéral, le temps de mener à bien les investigations des établissements financiers et des autorités. La Maison blanche a toutefois rejeté cette demande mardi en estimant que cela pourrait affecter un peu plus la reprise.
Les banques américaines ont saisi près de trois millions de logements entre janvier 2007 et août 2010, selon RealtyTrac, qui estime que pour le seul exercice 2010, ces saisies devraient dépasser le seuil record de 1,2 million.