Réduction des GES: l'OACI a encore une longue route devant elle

L'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) se félicite de «l'accord historique» intervenu la semaine dernière entre ses 190 pays membres en matière de réduction des gaz à effet de serre, mais rappelle que le temps des négociations difficiles n'est pas terminé.

Comme toutes les négociations en matière de lutte contre les changements climatiques, les débats à la 37e session triennale de l'assemblée de cet organisme des Nations unies opposaient des pays pauvres à des pays riches, des puissances émergentes à des pays développés, mais aussi des pays riches plus ambitieux en matière environnementale à des pays moins pressés. Un compromis a néanmoins été trouvé vendredi, au terme de dix jours d'âpres discussions qui se tenaient à Montréal.

L'entente prévoit notamment une amélioration de l'efficacité dans l'utilisation du carburant de 2 % par année jusqu'en 2050. Il prévoit aussi le plafonnement des émissions totales de gaz à effet de serre (GES) à compter de 2020.

L'OACI, le département d'État américain, le Conseil international des aéroports et l'Association internationale du transport aérien (IATA) ont tous qualifié l'entente «d'historique». «Aucun autre secteur industriel n'est encore parvenu à convenir d'un cadre d'action global en matière de changements climatiques», a observé Giovanni Bisignani, p.-d.g. de l'IATA, qui représente 230 compagnies aériennes. La Commission européenne a salué, quant à elle, cette «percée après presque une décennie d'impasse».

Le secrétaire général de l'OACI, Raymond Benjamin, n'était pas peu fier, hier, du travail accompli. «Si tout le monde le dit, que c'est une entente historique, c'est probablement parce qu'il y a une part de vérité», disait-il en entretien téléphonique au Devoir avec la voix éraillée de quelqu'un qui a beaucoup parlé et très peu dormi les dernières semaines.

Il prévient cependant que les discussions et les tractations ne font que commencer. «Comme tous les compromis, personne n'est content, mais personne ne veut prendre le risque de dire qu'il est en dehors de l'accord.»

En réalité, la Chine s'est officiellement dissociée de l'accord et quelques autres pays ont «exprimé des réserves», précise-t-il. «Dans les faits, les discussions vont devoir reprendre entre tout le monde dans les prochaines semaines.»

Plusieurs questions restent en effet en suspens. On s'est accordé notamment trois ans pour définir des normes de mesures des émissions de GES et pour préciser les conditions en vertu desquelles les plus petits pays émetteurs pourront être dispensés des cibles de réduction.

Défi important

L'un des plus grands défis sera toutefois de trouver un mécanisme mondial visant à mettre à contribution les principes du marché pour inciter tous les acteurs de l'industrie à améliorer leur performance en la matière.

Fatigués d'attendre les autres, les pays de l'Union européenne ont décidé de mettre en place leur propre système de plafond d'émissions de GES et de marché de crédits d'émission. Ce système, qui doit entrer en vigueur en 2012, est censé s'appliquer non seulement aux transporteurs européens, mais aussi à toutes les compagnies décollant ou se posant en Europe. Le projet a mis plusieurs compagnies en colère, notamment aux États-Unis, où certaines d'entre elles ont porté l'affaire devant les tribunaux européens.

Les cibles de l'Union européenne (- 10 % de GES par rapport à 2005 d'ici 2020) sont bien plus ambitieuses que celles que vient de se donner l'OACI. La Commission européenne affirme, néanmoins, y avoir remporté une grande victoire, la semaine dernière à Montréal. On y a reconnu, en effet, le droit d'un pays ou d'un groupe de pays,d'imposer sur leur territoire des règles plus contraignantes que les autres, à condition de respecter une quinzaine de principes comme la réduction des distorsions de marché, un traitement équitable de l'industrie aéronautique par rapport aux autres secteurs économiques et la prise en compte des efforts passés et futurs des compagnies.

Bruxelles se réjouissait surtout qu'on n'exige plus d'elle qu'elle signe un accord formel avec le gouvernement d'une compagnie étrangère avant de pouvoir la soumettre aux normes européennes. Il appert, cependant, que l'Europe s'est aussi engagée en retour à mener avec eux un «dialogue constructif» avant d'imposer quoi que ce soit à l'une de leurs compagnies.

«Je vous l'ai dit, nous avons encore de belles discussions devant nous, répète Raymond Bergevin. Mais nous aurons quand même réussi à avancer à Montréal et nous pourrons nous présenter au sommet de Cancún [sur le climat] en disant que nous sommes capables de faire le travail dans notre secteur.»

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