Guerre des monnaies - L'Asie se mobilise contre une hausse des devises

Bangkok/Pékin — Après une assemblée générale du Fonds monétaire international (FMI) sans résultat tangible ce week-end, les pays asiatiques redoublent d'efforts pour contenir des flux de capitaux qui tendent à faire monter leurs monnaies au détriment de leurs exportations.
Le gouvernement thaïlandais a imposé une retenue à la source de 15 % sur les plus-values et les revenus des intérêts des investissements étrangers dans la dette souveraine dans le but d'infléchir le baht, qui est au plus haut depuis la crise financière asiatique de 1997.Le Japon, aux prises avec un dollar à un plus bas de 15 ans face au yen, a souligné qu'il reviendrait à nouveau sur le marché des changes si le besoin s'en faisait sentir, même si son intervention en solitaire le mois dernier lui a valu quelques reproches.
Quant à la Chine, elle ne lie pas forcément réforme des changes et appréciation du yuan. Le fait que la Chine insiste pour que la hausse du yuan soit progressive contribue largement à freiner une appréciation des taux de change en Asie, nécessaire à la résorption des déséquilibres mondiaux, affirment certains responsables monétaires.
La Chine, mais aussi d'autres pays, soutient que la perspective de voir la Réserve fédérale faire marcher la planche à billets risque de se traduire par un afflux massif de dollars sur le marché mondial.
Cet afflux provoquerait un affaiblissement du billet vert et a contrario une hausse des devises des pays émergents, les investisseurs s'employant à trouver ailleurs des rendements qu'ils ne trouvent plus dans les grandes puissances économiques où les taux sont très bas, voire nuls. Une nouvelle vague d'assouplissement quantitatif par la Fed aurait pour effet de grever encore un peu plus un dollar déjà languissant.
Une semaine avant que la Thaïlande n'annonce sa mesure, le Brésil avait doublé une taxe sur investissements étrangers en obligations souveraines et autres actifs financiers, et ce, pour le même motif: freiner le réal. Le baht thaïlandais a gagné 11 % cette année, la progression la plus forte d'une monnaie asiatique après le yen.
Le ministre des Finances japonais, Yoshihiko Noda, a pour sa part expliqué que le Japon avait fait cavalier seul sur les changes pour prévenir tout mouvement des changes déstabilisant. «Le G7 a confirmé que les mouvements de change excessifs affecteraient la stabilité de l'économie et du système financier... De ce point de vue, nous prendrons des mesures décisives, y compris une intervention, si nécessaire», a déclaré le ministre.
Ce mouvement généralisé des pays émergents contre une appréciation trop vive de leurs monnaies fait craindre l'apparition de mesures plus ou moins protectionnistes susceptibles de donner un coup d'arrêt à la croissance mondiale.
Un journal chinois a de fait pris acte de ce risque. «La crise financière pourrait dégénérer en une crise des monnaies, écrit le China Securities Journal. Personne n'en sortira gagnant».
Le prochain sommet du G20 se tiendra à Séoul les 11 et 12 novembre, mais avant cela, les ministres des Finances du Groupe des Vingt se seront réunis en Corée les 22 et 23 octobre pour préparer les dossiers.
Les pressions se multiplient aux États-Unis pour obliger la Chine à accélérer le processus d'appréciation de sa monnaie. Mais le China Securities Journal observe que les efforts déployés par les États-Unis et le Japon pour affaiblir leurs monnaies constituent en eux-mêmes une pression énorme vis-à-vis du yuan.
Loin de se faire l'avocat d'une appréciation du yuan à marche forcée, le journal écrit que Pékin doit contrôler le rythme de l'ascension du yuan et s'abstenir de hausser les taux d'intérêt pour éviter un afflux de capitaux spéculatifs.