Le nombre d'acheteurs diminue et les prix pourraient suivre

Le renversement de la pyramide des âges pourrait poser un sérieux défi à plusieurs pays développés, car la diminution de la cohorte des acheteurs d'une première maison entraînerait des conséquences hasardeuses pour l'activité économique, selon une récente note de recherche publiée par la Banque Nationale.
Depuis quelques années, les économistes ont longuement réfléchi à l'impact du vieillissement de la population sur l'état des finances publiques. Entre autres, ils s'interrogent sur les conséquences d'une diminution du bassin de travailleurs actifs sur les recettes fiscales des gouvernements et sur la capacité de ceux-ci à continuer de financer leurs programmes de santé.Mais rarement voit-on ce questionnement transposé au marché immobilier. Après tout, dans un pays comme le Canada, par exemple, l'activité économique générée par le logement, dans son ensemble, représente rien de moins que le cinquième du produit intérieur brut.
«Si les économistes ont le réflexe aiguisé de surveiller la croissance de la population active, celui d'analyser les mouvements de cohortes spécifiques est beaucoup moins net», ont écrit les économistes de la Banque Nationale le 4 octobre dernier. Le Canada et le Québec, insistent-ils, sont moins à risque. C'est le reste du monde qui les préoccupe.
«Nous sommes d'avis que l'évolution de cette cohorte [d'acheteurs d'une première maison] plus restreinte représente un facteur de risque non négligeable sur le marché de l'immobilier et l'économie de plusieurs pays de l'OCDE», ajoutent-ils.
Dans le passé, disent-ils, la faible croissance de cette cohorte peut avoir été compensée par une baisse «structurelle» des taux d'intérêt, grâce à une augmentation du taux d'accès à la propriété. Or, «dans un contexte où la baisse structurelle des taux nous apparaît chose du passé, une hausse soutenue des taux d'accession à la propriété est improbable», laissent-ils tomber.
Autrement dit, puisque les taux d'intérêt ne pourront plus contribuer, comme par le passé, à faciliter l'accès à la propriété et à générer de l'activité sur le marché immobilier, les prix seront de plus en plus influencés par «la tendance démographique lourde».
Par exemple, les économistes de la Banque Nationale estiment que la cohorte des 20 à 44 ans va fondre de 8,7 % en Italie d'ici cinq ans, de 8,6 % en Espagne, de 8,1 % en Allemagne, de 1,9 % en France et de 1,7 % au Royaume-Uni.
«D'après nos calculs, l'Amérique du Nord sera épargnée par ce phénomène, alors que plusieurs pays d'Europe ainsi que le Japon verront leur cohorte d'acheteurs d'une première maison chuter fortement. Preuve de l'ampleur des changements à venir, l'Italie connaîtra en cinq ans 85 % de la baisse qu'a connue le Japon en 35 ans!», écrivent-ils.
Il y a cinq ans, Le Devoir avait justement interviewé des économistes à ce sujet. «Au niveau de la demande, c'est sûr qu'il va y avoir un choc», avait dit Hélène Bégin, du Mouvement Desjardins. «Les gens oublient que les prix ont déjà baissé [notamment de 1988 à 1992] et, à mesure que les facteurs démographiques vont jouer, ce n'est pas illusoire de penser que les prix sont appelés à baisser à plus long terme.» Les baby-boomers ont tout bouleversé sur leur passage, avait-elle rappelé. Pourquoi l'immobilier serait-il épargné?
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